Voilà des décennies que les effets sur la santé de la consommation d'œufs fait débat, notamment en ce qui concerne le risque cardiovasculaire. Dans certains pays, les autorités de santé recommandent aux personnes atteintes de diabète de type 2 (DT2) de limiter leur consommation d'œufs ainsi que toutes les formes d'apport de cholestérol.
L'étude Diabetes and Egg (Diabegg) menée par l'équipe de Nicholas R. Fuller de l'Institut Boden de l'université de Sydney en Australie (1), d'une durée de trois mois, a porté sur une approche diététique visant à réduire les apports caloriques. Elle a observé la perte de poids et les risques cardiométaboliques chez les adultes DT2 selon leurs apports en œufs par semaine.
Les 128 participants étaient atteints de prédiabète ou de DT2 (âge moyen 60 ans, IMC 34 kg/m2, 54 % de femmes), ont eu des apports par semaine soit d'au moins 12 œufs soit de 2 œufs, une limitation énergétique quotidienne à 2,1 MJ pour tous, assortis d'un régime de macronutriments et d'instructions sur les types et les quantités d'aliments à consommer insistant sur le remplacement des graisses saturées par des acides gras mono-insaturés et polyinsaturés. Les participants ont été suivis lors de visites à 9 et 12 mois.
De 3 à 12 mois, la perte de poids était similaire (régime riche vs pauvre en œufs : - 3,1 ± 6,3 vs - 3,1 ± 5,2 kg, p = 0,48). Il n'y avait pas de différence entre les deux groupes pour la glycémie, l'HbA1c, les lipides sériques traditionnels, CRP, IL6, la sE-sélectine, le stress oxydatif (F2-isoprostanes) ou l'adiponectine durant l'étude.
« Il est sans danger pour les personnes à haut risque de DT2 ou ayant déjà présenté un DT2 d'inclure régulièrement dans leur alimentation des œufs, qui constituent une source de nourriture acceptable et pratique », concluent les chercheurs. Le message est le suivant : « Il est bon d'inclure les œufs dans l'alimentation, même si vous souffrez de diabète de type 2. Beaucoup de gens aiment manger des œufs, et les œufs sont utilisés dans de nombreuses recettes et plats. On n'a pas à restreindre la consommation d'œufs. »
Cette étude a provoqué des réactions souvent assez vives et contradictoires parmi les experts du sujet.
Certains épidémiologistes indépendants sont plutôt d'accord avec les auteurs, comme Jyrki K. Virtanen. Cette étude ne serait pas la première à rassurer sur la consommation d'œufs, qui serait plutôt bénéfique sur la santé en général, mais il rappelle que cela ne signifie pas que les sujets ayant un DT2 (ou non, d'ailleurs) « ne devraient pas s'inquiéter de leur taux de cholestérol. Le nombre idéal d'œufs par semaine que les gens devraient consommer dépend de la génétique, de la santé globale et du régime alimentaire global. Un œuf par jour devrait convenir à la plupart des gens. Et si nous pensons à l'impact environnemental de la nourriture (comme nous le devrions), les œufs ont l'un des impacts les plus faibles sur les émissions de gaz à effet de serre parmi les sources de protéines animales ».
Pour d'autres, mieux vaut ne pas s'emballer, et conclure que « les blancs d'œufs sont d'excellents aliments ». Ce qui n'est pas nouveau !
D'autres encore, comme J. David Spence, remettent quant à eux en cause la validité de l'étude, puisque l'accent avait été mis sur le remplacement des graisses saturées et la restriction calorique, ce qui ne reflète aucunement le quotidien alimentaire des États-Unis, où les apports « sains » ne concerneraient que 0,1 % de la population générale. Et de rappeler que cette étude était financée par l'Australian Egg Corporation. Elle ne serait en somme qu'une opération de propagande de plus de cette industrie.
Pour ajouter à la confusion, les différents pays et sociétés savantes ont des recommandations contradictoires et très fluctuantes.
J'ajouterai pour ma part que les paramètres biologiques mesurés ne sont que des critères intermédiaires et non une quantification des événements cardiovasculaires à moyen ou long terme. En somme, Diabegg ne convainc pas totalement, et mieux vaut limiter les apports de jaunes d'œufs chez les sujets ayant un DT2 ou à risque cardiovasculaire élevé, si bien sûr les autres apports alimentaires sont par ailleurs conformes aux règles bien établies aujourd'hui, surtout en ce qui concerne les graisses saturées d'origine animale et les apports sodés.
(1) Fuller NR, Sainsbury A, Caterson ID et al. « Effect of a high-egg diet on cardiometabolic risk factors in people with type 2 diabetes: the Diabetes and Egg (DIABEGG) Study –randomized weight-loss and follow-up phase ». Am J Clin Nutr. 2018 May 7
https://doi.org/10.1093/ajcn/nqy048
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