L’âge de la maternité n’ayant cessé de reculer tandis que la fréquence du surpoids et de l’obésité a fortement augmenté, on compte désormais deux fois plus de grossesses chez des femmes avec un diabète de type 2 que de grossesses chez des femmes avec un diabète de type 1. L’équilibration du diabète est essentielle dans les deux cas mais, avec un diabète de type 1, les risques maternels sont décuplés s’il n’est pas obtenu. C’est pourquoi la préparation avant la grossesse et le suivi par une équipe spécialisée en diabétologie sont essentiels.
LE QUOTIDIEN : Pourquoi les femmes porteuses de diabète de type 1 devraient-elles consulter le diabétologue dès le désir de grossesse ?
Pr EMMANUEL COSSON : Il est vraiment essentiel d’arriver à équilibrer le diabète avant la conception. En effet, plus l’HbA1c est élevée et plus il y a un risque de malformations et de fausses couches. Être enceinte et diabétique multiplie par deux le risque de malformations pour l’enfant à naître, même en étant plutôt bien équilibrée. Mais si l’HbA1c tourne autour de 8 %, ce risque est multiplié par 5. Autour de 10 %, le risque est multiplié par 8 ! Ainsi, l’objectif à atteindre avant la conception est une HbA1c autour de 6,5 %.
Moins un diabète est équilibré et plus il faut s’y prendre en avance avant d’envisager une grossesse. C’est pourquoi lorsque nous voyons nos patientes DT1, nous leur demandons à chaque consultation si elles ont un projet de grossesse et, si oui, à court, moyen ou long terme.
Quel est l’effet des hormones de la grossesse sur l’insuline ?
Chez toutes les femmes, qu’elles soient diabétiques ou non, des variations interviennent pendant la grossesse : jusqu’à 20 semaines d’aménorrhée (SA), l’insulinorésistance baisse, dans le but de faciliter l’anabolisme. La femme fait des réserves de glycogène et de lipides. Mais, à partir de 20 SA, l’insulinorésistance augmente : les substrats énergétiques vont au fœtus.
Chez une femme diabétique de type 1, il faut donc adapter les doses d’insuline en conséquence : en début de grossesse, elles sont diminuées pour éviter les risques d’hypoglycémies et, à partir de 20 SA, ces doses sont progressivement augmentées (généralement, de l’ordre de 50 %). Puis, après l’accouchement, il faut diminuer à nouveau les doses d’insuline pour revenir au niveau antérieur à la grossesse.
Comment se fait donc la prise en charge des futures mamans avec un DT1 ?
Outre le rééquilibrage du diabète, cette période est aussi importante pour les éduquer sur la conduite à tenir lors de leur grossesse. Nous leur expliquons qu’en début de grossesse, elles risquent des hypoglycémies, d’où la nécessité de baisser initialement leurs doses d’insuline et bien sûr de suivre leur glycémie. Puis d’augmenter à nouveau les doses d’insuline à partir de 20 SA.
Une carence en insuline peut se solder par une acidocétose, responsable d’une mort fœtale dans 10 à 20 % des cas. La production de corps cétoniques peut se voir durant la grossesse, même avec une glycémie à 2 g/l. En cas de présence de corps cétoniques, il faut rajouter de l’insuline rapide pour compenser, bien boire et, si tout ne rentre pas dans l’ordre, se rendre rapidement aux urgences pour surveillance du fœtus, régler ce déséquilibre et réaliser un bilan afin de retrouver la cause (une infection par exemple). Il est d’ailleurs recommandé de faire régulièrement des bandelettes urinaires, car le risque infectieux est multiplié par deux du fait du diabète.
Quels sont les autres risques encourus par la future maman ?
Il existe un risque d’aggravation de la rétinopathie durant la grossesse et durant l’année qui suit l’accouchement, d’où l’intérêt d’un bilan de retentissement du diabète. En l’absence de rétinopathie, une surveillance trimestrielle suffit. Mais, en cas de rétinopathie, cette surveillance devient mensuelle.
En cas de néphropathie, qui survient en général après 10 à 15 ans de DT1, les risques d’hypertension gravidique, de prééclampsie et de retard de croissance intra-utérin sont majorés, raison pour laquelle il est préconisé que les femmes enceintes avec un DT1 accouchent en maternité de niveau 3. Leur tension artérielle et la croissance fœtale font l’objet d’une surveillance rapprochée.
Enfin, le risque cardiovasculaire est accru lui aussi, au point qu’une coronaropathie non contrôlée est une contre-indication à la grossesse. Malheureusement, certaines femmes vivant avec un DT1 très ancien et déséquilibré, et fumeuses, arrivent alors qu’elles sont déjà enceintes : c’est dans ce type de situation que les risques maternels sont les plus élevés.
Quelles sont les adaptations thérapeutiques nécessaires ?
Ces jeunes femmes ont parfois une dyslipidémie traitée or les fibrates et les statines doivent être arrêtées durant la grossesse. Elles peuvent aussi avoir une néphropathie, parfois elle-même responsable d’une hypertension artérielle : IEC et ARA2, souvent utilisés car néphroprotecteurs, ne peuvent pas non plus être poursuivis pendant la grossesse (des cas de malformations cardiaques ont été décrits avec ces traitements). Ils doivent être remplacés par un bêtabloquant, un inhibiteur calcique ou un alphaméthyldopa.
Quels sont les objectifs fixés durant la grossesse ?
Sur le plan alimentaire, hormis l’acide folique qui est donné en complément alimentaire comme chez toute femme enceinte, les préconisations sont les mêmes que d’habitude, avec une préférence pour les aliments à index glycémique bas, riches en fibres, associés à des acides gras et des protéines. Cependant, les objectifs glycémiques sont plus faibles pendant la grossesse : de 0,60 à 0,95 avant les repas, moins de 1,40 g/l une heure après le repas ou moins de 1,20 g/l deux heures après le repas.
En cas de mesure continue du glucose, la cible est d’avoir 90 % des valeurs comprises entre 0,63 et 1,40 g/l (alors qu’en dehors de la grossesse, c’est 70 % entre 0,70 et 1,80 g/l). C’est d’autant plus important que, durant la grossesse, la mesure continue du glucose a tendance à sous-estimer la glycémie, avec un taux délivré de 0,10 à 0,20 g/l en dessous de la réalité. C’est aussi pourquoi il est utile de faire quelques glycémies capillaires en complément.
Quid de la surveillance du fœtus ?
En plus des trois échographies habituelles, d’autres échographies peuvent être demandées et notamment une échographie au 8e mois de grossesse afin d’évaluer le poids fœtal et sa projection un mois plus tard. Toutes les femmes enceintes avec un DT1 bénéficient d’un déclenchement de l’accouchement à 39 SA : ce n’est pas trop tôt, pour éviter la maladie des membranes hyalines et pas trop tard en raison des risques élevés de troubles vasculaires placentaires (risque d’enfant mort-né). En fin de grossesse, des rythmes cardiaques fœtaux réguliers sont d’ailleurs pratiqués pour vérifier l’absence de souffrance fœtale. Une césarienne est pratiquée dans 57 % des cas en moyenne (contre 20 % pour le reste des femmes en France), en raison du poids déjà trop élevé du fœtus pour permettre un passage par voie basse. À la naissance, il existe un risque d’hypoglycémie néonatale pendant un ou deux jours, avec une surveillance spécifique.
Les risques que l’enfant soit plus tard touché par un DT1 sont-ils accrus ?
Au cours de sa vie, un enfant né d’une mère avec un DT1 encourt un risque de 4 % d’être lui-même touché par ce type de diabète. Ce risque passe à 8 % si c’est son père qui a un DT1.
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