La controverse sur le cholestérol et les graisses date au moins des années 1950, leur rôle néfaste étant considéré comme un coup de bluff monté par l’industrie agro-alimentaire américaine, avant d’être mise sur le compte de l’industrie pharmaceutique avec la mise sur le marché des hypolipémiants.
Pour ses détracteurs, le cholestérol n’est pas le seul facteur de risque CV, ce que personne ne conteste, mais il pèse statistiquement beaucoup plus lourd sur le plan CV. Il est reproché à toutes les études menées sur les statines d’être financées par l’industrie, ce qui est vrai, mais les institutions se sont déchargées de ce rôle, en demandant aux industriels de faire la preuve de l’efficacité et de la sécurité du traitement qu’ils souhaitent commercialiser. Ces études répondent à des critères de qualité avec des procédures lourdes et complexes, qui sont analysées par les agences gouvernementales avec possibilité de remonter aux données sources.
Avec les statines, les premières études ont montré un effet sur la mortalité et les évènements CV indiscutables vs placebo associé à une baisse importante du LDL-c. Leurs adversaires prétendent qu’à partir du moment où les conditions imposées pour les études ont été encore plus drastiques, on n’a plus observé de résultats sur la mortalité totale qui est pour eux le seul critère à prendre en compte en oubliant de mentionner les critères de jugement principaux des études. « C’est qu’à partir de cette époque, il n’était plus éthique de mener des études vs placebo, qu’on comparait deux doses de statines ou deux statines différentes, et que pour pouvoir observer des effets sur la mortalité totale, il aurait fallu des effectifs démesurés » explique le Pr Krempf « Par contre le bénéfice sur les évènements cardiovasculaires de la baisse du LDL se confirme toujours, y compris avec les autres traitements comme avec l’ézétimibe ou les anti PCSK9 ».
Les effets secondaires des statines sont également largement mis en avant pour encourager leur arrêt. On a pu avancer un effet potentiellement délétère d’un taux de LDL bas. Ce qui est le cas de certaines ethnies, qui ont un excellent niveau de protection CV. Il n’y a pas de crainte majeure à avoir sur la réduction du LDL, ni sur le plan hormonal, ni sur la cognition. On a mis en évidence sous statines une augmentation de 7% à 10% de la survenue de DT2 de novo chez des personnes prédisposées que de fortes doses de statines pourraient faire basculer plus vite vers le diabète, mais le rapport bénéfice/risque reste en faveur du traitement par statines. Quant aux douleurs liées aux statines, il est toujours difficile de faire la part entre ce qui revient ou non au médicament, mais on considère que 14% environ des patients ont de réelles intolérances.
Un débat médico-économique
Les essais randomisés montrent globalement qu’une chute de 1mmol de LDL baisse le risque relatif d’évènements CV de 20 à 30% en moyenne, mais la baisse du risque absolu devient alors beaucoup plus faible surtout chez les personnes à risque modérément élevé. Même pour ces patients, l’étude HOPE 3 par exemple montre le même bénéfice sur le risque relatif mais sur ce profil de risque, la question peut passer sur un plan beaucoup plus terre à terre. Il faudra en effet traiter beaucoup plus de patients que pour le plus haut risque pour éviter un évènement grave, combien est-on prêt à payer pour cela ? Il s’agit là plus d’un débat d’assureur qu’un problème scientifique qui a déjà été résolu en faveur des traitements.
Des conséquences lourdes sur la santé des patients
Différentes études menées dans différents pays ont pointé l’impact désastreux de ces campagnes anti-statines y compris chez les personnes à haut risque. « La France n’échappe pas à la règle, et chez près de 30 000 patients représentatifs, on a constaté un arrêt de 10 à 20% des traitements après la sortie du livre du Pr EVEN avec parallèlement une augmentation de la mortalité CV de 18% et des évènements CV de 25 à 30%, ce qui rapporté à la population française traitée pourrait rendre compte de plus de 7000 morts sur une année. Pouvons-nous accepter que l’audimat tue plus que la route ? » s’indigne le Pr Krempf.
D’après un entretien avec le Pr Michel KREMPF, endocrinologie - maladies métaboliques et nutrition, CHU de Nantes
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