Durant leur cursus universitaire, les étudiants en médecine devraient être sensibilisés à la nutrition humaine dans ses trois dimensions : principes fondamentaux et physiologie ; nutrition appliquée (conseils et recommandations de santé publique) et nutrition clinique (prise en charge des pathologies). Or, dans les faits, la formation initiale des étudiants est très inégale en Europe. C’est ce que met en exergue l’European Society for Clinical Nutrition and Metabolism (Espen) dans un manifeste signé le 19 janvier dernier par 51 experts dont des représentants de 13 universités de médecine européennes. « Le projet a débuté il y a trois ans : à l’époque, l’Espen avait mené une enquête révélant l’hétérogénéité de la formation en nutrition dans les facultés de médecine européennes (1). Cela a débouché sur une prise de position de l’Espen sur cette question. Et un groupe de travail – composé d’experts, de doyens, vice-doyens et recteurs d’universités – a rédigé ce manifeste mettant en exergue le déficit de formation en nutrition, à l’échelle européenne et présentant les connaissances minimales que tout médecin devrait avoir acquises à l’issue de ses études », souligne le Pr Stéphane Schneider, gastroentérologue et professeur de nutrition au CHU de Nice et à l’université Côte d’Azur, membre de ce groupe de travail.
Une discipline souvent négligée
D’après l’enquête de l’Espen, dans certains pays européens les modules de nutrition ne sont proposés qu’aux étudiants de premier cycle. Pire, dans certaines facultés, l’enseignement est facultatif ou dérisoire : deux heures de cours de nutrition sur l’ensemble du cursus, par exemple. « La nutrition souffre de son caractère transversal : dans certaines universités européennes, elle n’est pas considérée comme une spécialité en tant que telle. Cette situation n’est pas tenable, d’autant que de nombreuses pathologies sont liées au mode de vie et à l’alimentation », rappelle le Pr Schneider. De fait, plus de deux milliards d’adultes sont en surpoids, 600 millions sont en situation d’obésité et 462 millions sont dénutris. Ces pathologies augmentent le risque d’hospitalisation et de décès liés à des comorbidités, telles que les maladies cardiovasculaires et les cancers. « Il est urgent d’améliorer la formation des médecins pour mieux prendre en charge les pathologies ayant une composante nutritionnelle », insiste le Pr Schneider.
Homogénéiser la formation initiale
Comparée à ses voisins européens, la France est plutôt bien lotie. « Cela fait environ 30 ans que des enseignants en nutrition sont nommés dans les facultés françaises. Toutefois, cette matière reste dans certains cas dispensée par des collègues gastro-entérologues ou endrocrinologues, par exemple. Toutes les facultés disposent d’une unité d’enseignement de nutrition mais le volume horaire varie selon les universités, précise le Pr Schneider. La nutrition fait partie des épreuves nationales classantes (ECN), et il existe une spécialité médicale « endocrinologie-diabétologie-nutrition » ainsi qu’une formation spécialisée transversale (FST) de nutrition appliquée permettant aux médecins de troisième cycle de différentes disciplines d’obtenir une surspécialisation en nutrition. » Une chose est sûre : en France ailleurs, l’enseignement en nutrition gagnerait à être homogénéisée. « Nous allons diffuser notre manifeste auprès de sociétés savantes et d’universitaires afin d’engager une discussion, cette année, avec les experts européens de la formation médicale initiale », indique le Pr Schneider.
exergue : « De nombreuses pathologies sont liées au mode de vie et à l’alimentation »
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