Comme l’insuffisance rénale, l’IC devrait désormais s’imposer comme un enjeu de taille pour les diabétologues alors qu’il l’est depuis longtemps pour les cardiologues. Plus de 15 millions d’européens et 6 millions d’américains sont atteints d’IC. L’American Heart Association (AHA) estime que leur nombre augmentera de 25% à l’horizon 2030. Plus de 40% des patients décèdent dans l’année suivant la première hospitalisation. L’IC est aujourd’hui une cause considérable d’hospitalisations récurrentes en France (150 000/an en 2008 pour environ 500 000 porteurs d’une IC), constituant un fardeau humain et économique considérable.
2,5 fois plus de risque d'IC chez les diabétiques
Diverses avancées dans la prise charge ont allongé l’espérance de vie des DT2, survivant au coronaropathies et/ou subissant plus longtemps les effets délétères des troubles métaboliques propre au DT2, ils vieillissent et développent ainsi un risque accru d’IC (ce qui explique aussi l’incidence des insuffisances rénales sévères). Les patients atteints de diabète sont 2,5 fois plus susceptibles de développer une insuffisance cardiaque (IC), et les patients porteurs d’une IC et d’un diabète ont un plus mauvais pronostic. Selon nombre de données internationales environ 30% des patients porteurs d’une insuffisance cardiaque sont diabétiques. Si le diabète de type 1 est aussi concerné, au plan quantitatif c’est la masse considérable des sujets ayant un DT2 qui représente l’essentiel de ces patients, la plupart âgés de plus de 65 ans. En somme selon un calcul simple, à confirmer par des données françaises chiffrées, on devrait dénombrer environ 50 000 hospitalisations/an de diabétiques pour insuffisance cardiaque.
Dans plusieurs pays occidentaux, on évalue les dépenses pour IC à 2% de l’ensemble des dépenses de santé. Elles ont été chiffrés à 20 milliards de dollars aux États-Unis dès l’année 2001. Le coût de ces séjours est, à notre connaissance, peu chiffré en France mais il est probablement largement aussi élevé que celui des prises en charge de diabétiques insuffisants rénaux (hospitalisations et suppléances). Les dépenses liées à l’hospitalisation représentent 2/3 du coût total de la pathologie et ont tendance à augmenter de façon considérable chez les patients les plus sévèrement atteints au cours de la dernière année de vie. Une des priorités de la loi de santé publique 2004 était justement de diminuer la mortalité et la fréquence des décompensations aigües des personnes atteintes d’insuffisance cardiaque.
Comment s’explique l’IC du diabétique ?
Le diabète peut avoir des effets délétères générant une IC par le biais des coronaropathies, mais aussi par des mécanismes cellulaires directs sur les cardiomyocytes en l’absence d’ischémie myocardique. La cardiomyopathie diabétique est aujourd’hui une entité reconnue qui peut se développer en l'absence des facteurs de risque traditionnels connus. Elle est consécutive à des atteintes microvasculaires secondaires aux troubles métaboliques. L’angiotensine II semble y jouer un rôle déterminant. Ainsi, comme pour la néphropatie diabétique, les médicaments agissant sur le système de l'angiotensine (IEC et sartans) aurait aussi un bénéfice sur la cardiomyopathie diabétique (néphropathie et cardiomyopathie partageant la plupart des mécanismes pathogéniques).
Facteurs de risque de développer une insuffisance cardiaque chez un diabétique ?
Deux méta-analyses, portant sur un total de plus de 1,2 millions de sujets (MEDLINE et EMBASE), dont un grand nombre de diabétiques, ont notamment identifié chez ces derniers un rôle plus marqué que prévu du mauvais contrôle glycémique. Après ajustement sur des facteurs confondants, le rôle de certains critères a été mis en évidence : la présence d’une coronaropathie, une HbA1c > 10%, l’usage de l’insuline, une HbA1c entre 9 et 10% et un vieillissement du patient par tranche de 5 an. En somme, ceci plaide pour le maintien d’objectifs glycémiques « non-laxistes », par exemple < à 9% même chez des sujets âgés fragiles sauf dans de quelques circonstances. Cependant une autre méta-analyse n’a pas pu montrer que le contrôle glycémique intensif réduit l’incidence d’IC chez des patients ayant un diabète patent. Enfin, il convient d’insister sur les liens entre diabète, insuffisance rénale et IC.
Des spécificités diagnostiques chez les diabétiques ?
Les avis diffèrent mais on retiendra que ni le diagnostic clinique, ni la valeur diagnostique et pronostique des peptides BNP, NT-ProBNP (à mesurer plus systématiquement chez les DT2 à risque) n’ont rien de spécifique. En revanche, l’échographie cardiaque peut être prise en défaut dans la mesure où les formes d’IC à fraction d’éjection conservée (FEVG) et les IC diastoliques sont plus fréquentes chez les diabétiques. La fréquence et la précocité de l’IC chez les DT2 ayant une insuffisance rénale même débutante (DFG < 60 ml/min), doit aussi attirer l’attention du diabétologue comme du médecin généralistes. Nous devons désormais rechercher l’IC et insister auprès du cardiologue pour une exploration échographique très soigneuse. L’établissement d’un score de risque d’IC serait aussi bienvenu.
Un traitement différent pour les diabétiques ?
Quant au choix des traitements, il ne diffère pas des IC non-diabétiques: règles diététiques (dont la restriction sodée), exercice physique adapté, IEC ou sartans, bétabloquants, anti-aldostérone (surtout éplérenone), correction de l’anémie, statines et un contrôle glycémique maintenu et adapté. Enfin on devrait désormais ajouter à cela l’empaglifozine, en complément du traitement antidiabétique, dès qu’elle sera disponible en France comme elle l’est déjà dans la plupart des autres pays développés.
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