Dans les pays occidentaux le diabète, surtout de type 2 (DT2), touche jusqu’à 1/4 des personnes de plus de 65 ans et 1/3 des plus de 70 ans ! Les complications cardiovasculaires (CV) prédominent chez les DT2 et sont bien étudiées chez des diabétiques plus jeunes. Peu d’études se sont penchées sur ce risque chez les personnes diabétiques âgées.
L’étude Gérodiab s’est fixée pour un de ses objectifs de décrire la mortalité des DT2 âgés de plus de 70 ans, sur une durée de suivi de 5 années.
Près de 1 000 (n = 987) DT2, âgés de 70 ans (âge médian 77ans) à l’entrée dans l’étude, ont été inclus sur une année entre juin 2009 et juillet 2010, dans 56 centres de diabétologie français. Les caractéristiques des patients, les complications, les traitements reçus, les résultats biologiques essentiels, les données gériatriques (nutritionnels et cognitifs), enfin la survie (méthode Kaplan-Meier) et les causes de décès ont été recueillis.
Dans une précédente publication, il avait été montré que, à l’entrée dans l’étude, les complications CV étaient fréquentes, reliées au contrôle glycémique (HbA1c), aux troubles gériatriques et à certaines caractéristiques individuelles.
65 % de complications à 5 ans
La fréquence des complications CV, qui étaient de 47 % à l’entrée dans l’étude, s'élevait à 65 % à 5 ans (1). En premier lieu, les maladies de coronaires, passées de 30 à 41 %, les artériopathies de 25 à 35 % et les maladies cérébrales vasculaires de 15 à 26 %.
L’insuffisance cardiaque (IC) était moins fréquente, passée de 9 à 20 %. L’IC était fortement liée à la survie (p < 0,0001). De même, les artériopathies des membres (p < 0,0004) et, en moindre mesure, les coronaropathies (p = 0,0056) et les maladies vasculaires cérébrales (p = 0,026). Les amputations (p < 0,0001) et les ulcères de pieds (p < 0,0001) de même fortement corrélées à la survie.
En analyse multivariée l’IC était le plus fort prédicteur de mortalité (HR = 1,96 ; IC95 [1,45 – 2,64]; p < 0,0001), quelle que soit la prise en compte des autres facteurs.
Une prévention plus difficile
Si on peut dresser le constat d’un rôle majeur des complications CV dans la survie des DT2 âgés de plus de 70 ans, cela est bien plus le fait de l’insuffisance et des artériopathies des membres que de l’insuffisance coronaire et des AVC.
Ceci ne peut être affirmé sans rappeler que la progression de l’insuffisance coronaire, comme des AVC, peut plus être aisément prévenue et traitée, que celle de l’IC. En effet, ces patients étaient relativement bien traités : 90 % recevaient une thérapie CV préventive – 63% de statines, 7 % de fibrates, 12 % d’anticoagulants, 56 % d’antiagrégants.
Il y a aussi une différence essentielle entre les complications CV de DT2 plus jeunes et très âgés. La bonne prise en charge des facteurs de risque, comme le cholestérol et l’HTA, sont peu déterminants dans la survie des DT2 âgés.
Une complication largement ignorée par la diabétologie
Cette grande étude, française rappelons-le, est reconnue dans son originalité par des publications dans des revues de haut niveau, est riche de données sur l’état de santé des DT2 âgés et leur prise en charge : troubles cognitifs, nutritionnels, mode de prise en charge, hypoglycémies iatrogènes etc.
Mais la leçon majeure de cette partie de l’étude concerne l’IC. Elle doit être maintenant la préoccupation quotidienne des diabétologues et MG qui suivent les DT2 âgés. Elle ne peut plus être ignorée, mal dépistée et mal soignée, négligée en somme, comme cela s’avère être partout le cas aujourd’hui, y compris dans les grands pays développés !
On sait que l’IC est 2 à 3 fois plus fréquente chez les DT2, son pronostic plus défavorable (chez les femmes en particulier) que celui l’IC des non diabétiques. On constate partout que l’IC est ignorée, mal recherchée (clinique, ECG, Pro-BNP, échographie) et peu traitée. De nombreux leaders internationaux alertent aujourd’hui la communauté médicale à ce propos.
De plus en France, même diagnostiquées, plus de la moitié des IC ne sont jamais référées au cardiologue. Le poids humain et économique de l’IC est considérable et de nombreuses hospitalisations pour IC seraient évitables.
En réalité cette complication a été largement ignorée par la diabétologie, jusqu’à la publication récente de plusieurs études de sécurité CV des nouveaux antidiabétiques exigés par la FDA : les glitazones, qui accroissent les hospitalisations pour IC, les gliptines et arGLP1 globalement neutres sur l’IC, et les gliflozines qui, à l’inverse, ont un effet remarquablement favorable sur les taux d'hospitalisations pour IC (– 35 %) et la mortalité CV et toutes causes (– 38 %). L’étude GERODIAB vient brillamment enrichir notre connaissance à ce propos.
Professeur émérite, université Grenoble-Alpes, Grenoble
(1) Bauduceau B et col. SFD/SFGG Intergroup. Cardiovascular complications over 5 years and their association with survival in the GERODIAB cohort of elderly French patients with type 2 diabetes. Diabetes Care. 2018 Jan;41(1):156-162. doi: 10.2337/dc17-1437. Epub 2017 Nov 7
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