On connaissait les liens entre consommation d'aliments ultra-transformés et le risque accru de dyslipidémie, surpoids, obésité, hypertension artérielle ; la cohorte française NutriNet-Santé avait même fait état d'un lien avec les cancers, en particulier, du sein.
À cette longue liste des risques liés à la consommation de produits ultra-transformés, il faut rajouter ceux de maladies cardiovasculaires, en particulier, coronariennes et cérébro-vasculaires, démontre une étude du Dr Bernard Srour sous la direction du Dr Mathilde Touvier, publiée le 30 mai, dans le « British Medical Journal ».
Les chercheurs de l'équipe de recherche en épidémiologie nutritionnelle EREN * se sont penchés sur la consommation alimentaire de quelque 105 159 personnes, inscrites dans la cohorte NutriNet-Santé, qui a démarré en 2009. Leur consommation alimentaire habituelle a été évaluée à l'entrée de l'étude, grâce à des enregistrements de 24 heures (6 en moyenne par participant), portant sur 3 000 aliments et boissons. Ceux-ci ont été classés selon les 4 groupes de la classification Nova, en fonction du degré de transformation industrielle, de « peu ou pas transformé » à « ultra transformé » (via des procédés comme l'hydrogénation, l'hydrolyse, l'extrusion, la friture).
En l'occurrence, les aliments ultra-transformés consommés par les participants de l'étude étaient des produits sucrés (à 28 %), des fruits et légumes (avec additifs ou conservateurs, par exemple dans les sauces, les soupes en poudre) (18 %), des boissons (comme les sodas, 16 %), les féculents et céréales pour le petit-déjeuner (12 %), les œufs, poissons et viandes (saucisses, jambon, nuggets, steaks végétaux reconstitués 11 %) ou encore les produits laitiers.
Augmentation de 12 % du risque de maladies cardiovasculaires
Au cours du suivi (de 5 ans en moyenne), ont été observés 1 409 cas de maladies cardiovasculaires, dont 665 maladies coronariennes, et 829 pathologies cérébro-vasculaires. Dans le détail, l'étude rapporte 106 infarctus du myocarde, 485 angioplasties, 74 syndromes coronariens aigus, 155 AVC, et 674 accidents ischémiques transitoires.
Les chercheurs ont retrouvé qu'une augmentation de 10 points de la proportion d'aliments ultra-transformés dans les régimes (par exemple, entre une personne dont l'alimentation comprendrait 15 % de produits ultra-transformés, et une autre, 25 %) était associée à une augmentation de 12 % de maladies cardiovasculaires, de 13 % de maladies coronariennes, et de 11 % maladies cérébrovasculaires.
Au moins quatre hypothèses d'explication
« Cette étude ne permet pas à elle seule d'établir un lien de cause à effet », précise la Dr Mathilde Touvier.
Néanmoins, plusieurs hypothèses pourraient expliquer ces résultats. D'abord, les produits ultra-transformés présentent souvent une moindre qualité nutritionnelle. Ils sont plus riches en calories, sel, et sucres, pauvres en fibres et en vitamines, et associés à une réponse glycémique plus élevée.
En outre, ces produits contiennent généralement des additifs. « Il ne s'agit pas de diaboliser les 350 additifs présents sur le marché. On manque encore de données chez l'homme. Mais les études expérimentales sur des modèles animaux ou cellulaires suggèrent des risques liés aux sulfites, au glutamate, aux émulsifiants ou aux édulcorants », explique la Dr Touvier.
Autre piste d'explication, des composés néoformés peuvent apparaître lors de la cuisson à haute température des aliments, comme l'acrylamide (dans les frites, biscuits, pain, café) ou l'acroléine (dans les saucisses ou caramels), pour lesquelles des études ont montré une association avec un risque plus élevé de maladies cardiovasculaires.
Enfin, les produits ultra-transformés sont susceptibles d'être contaminés par les matériaux dans lesquels ils sont contenus (par ex, bisphénol A).
Appel à volontaires pour les nouveaux programmes de NutriNet-Santé
L'équipe EREN lance de nouveaux programmes de recherche sur les additifs (et leur potentiel effet cocktail) ou l'exposition alimentaire aux pesticides... nécessitant de nouveaux volontaires pour participer à l'étude NutriNet-Santé.
D’ores et déjà, ces résultats plaident pour une politique de santé qui ne se contente pas d'appeler à une reformulation des produits par l'industrie alimentaire, mais qui promeuve l'accès et la disponibilité des aliments peu ou pas transformés, écrit le Pr Mark A. Lawrence (Université Deakin, Australie) dans l'éditorial du BMJ. Y est aussi publiée l'étude de Maira Bes-Rastrollo (Université de Navarre, Pampelune, Espagne) et ses collègues, qui montre, sur la base de la cohorte Sun (19 899 personnes) qu'une consommation plus élevée d'aliments ultra-transformés (plus de 4 portions par jour) est associée à un risque accru de mortalité toute cause confondue de 62 % comparativement à une consommation moindre (moins de 2 portions par jour). Chaque portion journalière supplémentaire augmentait le risque de mortalité de 18 %.
En France, le Haut conseil de la santé publique préconise de réduire de 20 % la consommation d'aliments ultra-transformés d'ici 2022.
Inserm, Inra, Université Paris 13, et CNAM
Srour et al, BMJ, do 101136, 2019
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