La polémique est ouverte depuis plusieurs années autour des conséquences pour la santé future l’enfant du choix fait de la voie naturelle ou de la césarienne, conduisant à pointer certains du doigt (lire encadré).
L’un des aspects de ce débat brûlant porte sur le microbiote, dont l’importance est soulignée dans la plupart des domaines de la physiologie, de la santé et de multiples maladies. Pour ce qui concerne le moment de la naissance, une interaction précoce avec des microbes commensaux, en particulier lors passage vaginal pendant un accouchement par voie naturelle, serait essentielle pour un bon développement immunitaire et une programmation métabolique favorable.
En cas de césarienne, la colonisation microbienne n’est plus naturelle chez les nouveau-nés. Elle a ainsi été associée à des effets à long terme sur leur métabolisme ou leur développement immunitaire. Des études épidémiologiques, bien que n'établissant pas de lien de causalité, ont rapporté des associations entre l'accouchement par césarienne et un risque accru d'obésité, d'asthme, d'allergies et de déficiences immunitaires. Aucune association n'a été trouvée, en revanche, entre l'accouchement par césarienne et le diabète de type 1, le psoriasis ou la maladie cœliaque (1).
La modification de la flore du nouveau-né par la césarienne est généralement admise. Le rétablissement, au moins partiel, de la flore, a même été tenté, et obtenu, en réensemençant le nouveau-né né par césarienne, en tamponnant ce dernier avec une gaze ayant été en contact avec les fluides vaginaux de la mère (2).
Un développement important entre la naissance et 4 à 6 semaines
Cependant voilà qu’une étude, qui vient de paraître dans la revue Nature Medicine (3) remet en cause cette question bousculant considérablement ce qui avait été affirmé jusque-là. Ce travail américain, conclut que le microbiote d'enfants âgés de 4 à 6 semaines ne diffère pas selon le mode de naissance, par césarienne ou voie naturelle.
Les chercheurs du Baylor College of Medicine à Houston aux États-Unis, qui ont suivi 160 femmes enceintes, ont constaté que le microbiote d'enfants en bas âge se développait largement entre la naissance et 4 à 6 semaines d'âge. Cette équipe a donc cherché à déterminer la composition taxonomique et la fonction métabolique potentielle du microbiote néonatal et infantile précoce, sur plusieurs sites corporels, et à évaluer les effets potentiels du mode d’accouchement.
Une cohorte de femmes enceintes recrutée au début du troisième trimestre (n = 81) a été suivie prospectivement dans les 6 semaines suivant l'accouchement, et une seconde cohorte appariée (n = 81) a été recrutée au moment de l'accouchement. Des échantillons prélevés sur plusieurs sites corporels, y compris les selles, les gencives, les narines, la peau et le vagin, ont été recueillis pour chaque paire mère enfant.
Le méconium se distingue des autres sites
Les auteurs ont ainsi montré que le microbiote néonatal et ses voies de fonctionnalité étaient relativement homogènes dans tous les sites corporels à l'accouchement, à l'exception notable du méconium néonatal. Puis, six semaines après l'accouchement, la structure et la fonction du microbiote infantile s'étaient considérablement enrichies et diversifiées, le site corporel étant le principal déterminant de la composition de la communauté bactérienne et de ses capacités fonctionnelles.
Bien que des variations mineures de la structure de la communauté microbienne néonatale (immédiatement à la naissance) aient été associées au mode d'accouchement par césarienne dans certains organes (gencive, narines et peau), ce n'était pas le cas pour les selles néonatales (méconium), et il n'existait plus de différences quel que soit le mode de naissance.
Au total, en accord avec les observations antérieures, le mode d'accouchement était associé à des différences dans le microbiote néonatal immédiatement après l'accouchement mais uniquement au niveau des narines, de la peau et de la cavité buccale ; pas du microbiote intestinal infantile, qui semble avoir une origine maternelle distincte de celle du microbiote du reste du corps (méconium).
Régime alimentaire maternel
Cette équipe conclut que le microbiote infantile subit une réorganisation majeure dans les 6 premières semaines de la vie, principalement induite par chaque site corporel et non par le mode d'accouchement.
Les auteurs rappellent ainsi qu’il est probable que le contenu du premier méconium reflète l'environnement in utero (dans lequel le nourrisson avalait du liquide amniotique continuellement du milieu à la fin de la gestation), ces microbes ayant été transmis de la mère au fœtus pendant la gestation, suggérant que l'ensemencement du microbiote précoce peut se produire plus tôt qu'on ne le pensait auparavant.
Cette équipe avait aussi observé, dans des cohortes humaines, que la composition du microbiote précoce du tube digestif du nourrisson était associée au régime alimentaire maternel au cours du dernier trimestre de la grossesse, indépendamment du mode d'accouchement et de l’existence d'une obésité maternelle.
Même si les auteurs admettent que leur travail a essentiellement porté sur des femmes latino-américaines et porteuses d’un diabète gestationnel, ceci ne semble pas restreindre la portée de leurs résultats, qui viennent largement contredire les données antérieurement publiées et bien des idées reçues !
Professeur Émérite Université Grenoble-Alpes, Grenobl
(1) Sevelsted A et al. Cesarean section andchronic immune disorders. Pediatrics. 2015;135:e92-8
(2) Dominguez-Bello MG, et al. Partial restoration of the microbiota of cesarean-born infants via vaginal microbial transfer. Nat Med. 2016; 22:250-3
(3) Chu DM, et al . Maturation of the infant microbiome community structure and function across multiple body sites and in relation to mode of delivery. Nat Med. 2017;23:314-326
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024