« Ceci confirme cliniquement qu’il est possible d’abaisser de manière stable la glycémie à des niveaux approchant la normale en utilisant un vaccin considéré comme sûr, et cela même chez des patients ayant un diabète de longue durée, précise dans un communiqué le Pr Denise Faustman, directrice du Laboratoire d'Immunobiologie de l’hôpital général du Massachusetts (MGH, Boston). Outre ces résultats cliniques, nous avons maintenant une comprehension claire des mécanismes par lesquels des doses limitées de vaccins BCG peuvent apporter des changements bénéfiques permanents au système immunitaire et abaisser la glycémie dans le diabète de type 1. » Le Pr Faustman et son équipe publient ces résultats dans « npj Vaccines », une revue du groupe « Nature ».
Le BCG (bacille de Calmette et Guérin), une forme atténuée du Mycobacterium bovis, est utilisé depuis près d’un siècle (1921) pour la vaccination préventive contre la tuberculose pulmonaire et depuis 35 ans pour traiter le cancer superficiel de la vessie. Des études chez la souris ont montré le bénéfice du BCG contre l’asthme allergique et des maladies auto-immunes comme la sclérose en plaque et le diabète de type 1. Pour inverser l’auto-immunité, les données animales indiquent l’importance d’une dose répétée du BCG, de la souche et du moment d’administration. Des essais cliniques sont en cours.
Suivi de 52 patients
En 2012, l’équipe du Pr Faustman avait rapporté les résultats à 5 mois de l’essai de phase 1, randomisé en double insu, chez 52 patients atteints de diabète de type 1 avancé (depuis 19 ans en moyenne). Deux doses de BCG injectées a un mois d’intervalle entrainait une baisse des lymphocytes T auto-réactifs, une augmentation des Tregs, et une augmentation transitoire de l’insuline. Mais on ne constatait pas d’amélioration de l’hémoglobine glyquée (HbA1c), reflet de la glycémie au long cours.
L’équipe publie maintenant les résultats du suivi à 8 ans. « Nous montrons que deux BCG chez les patients atteints de diabète de type 1 avancé peut abaisser l’hémoglobine glyquée (HbA1c) à des niveaux proches de la normale pendant plus de 5 ans. Aucun medicament pouvant réaliser cela n’a jamais été décrit, hormis l’insuline; et l'insulinothérapie intensive fait courir le risque de décès par hypoglycémie. Le BCG, par contraste, amène un abaissement de la glycémie qui est régulé et s’approche de la normale », explique au « Quotidien » le Pr Faustman. Le suivi montre qu’il faut attendre 3 ans pour observer une baisse de l’hémoglobine glyquée, de 10 % d’abord puis de 18 % à 4 ans. Cette baisse est ensuite maintenue et aucune hypoglycémie sévère n’est observée. Les patients traités ont un taux moyen d’HbA1c de 6,65 - proche de 6,5 considéré comme le seuil pour diagnostiquer le diabète.
Une reprogrammation épigénétique
L'étude des échantillons sanguins de 230 patients montre qu'en plus d’un abaissement stable et durable de la glycémie, le BCG entraîne après 2 mois une reprogrammation épigénétique (dé-méthylation) de 6 gènes T-régulateurs dans les cellules T CD4+ qui a pour effet de restaurer la tolérance immune. Ces 2 effets bénéfiques semblent découler d’un mécanisme encore jamais observé avec une thérapie médicamenteuse : un changement du métabolisme du glucose à partir de la phosphorylation oxydative, la voie cellulaire courante pour convertir le glucose en énergie, vers la glycolyse aérobie, une voie qui entraîne une consommation accrue de glucose par les cellules. De plus, le BCG peut aussi améliorer la glycémie chez des souris dont l’hyperglycémie n’est pas causée par une attaque autoimmune, ce qui soulève la possibilité que le BCG puisse également être bénéfique contre le diabète de type 2.
« Nous avons plus de 8 essais cliniques du BCG en cours pour améliorer la glycémie chez les patients atteints de diabète avancé. Certains de ces essais évaluent l’ajout de vaccins annuels pour tenter d'accélérer la survenue de l’amélioration de la glycémie », fait entrevoir au « Quotidien » le Pr Faustman. Nous souhaitons aussi mener des essais pédiatriques, mais nous attendons pour cela de recevoir des fonds. Puisqu'il s'agit d'essais évaluant un médicament générique, notre recherche est soutenue uniquement par la philanthropie de fondations et de familles intéressées. »
Le BCG se montre aussi prometteur pour rétablir la tolérance dans d’autres maladies auto-immunes comme la sclérose en plaques. « En Italie, des essais de phase III évaluent le BCG dans la sclérose en plaques récente. Comme pour le diabète de type 1, un bénéfice clinique majeur est constaté », précise le Dr Faustman.
« Cet essai et d'autres essais plus larges de prévention et d'intervention dans le monde pourraient amener un changement radical dans la prévention et le traitement des infections et de l'auto-immunité », estime le Pr Mihai Netea (Université médicale Radboud, Pays-Bas) qui n’a pas participé à cette étude.
npj Vaccines, 21 juin 2018, Kühtreiber et coll.
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