Dans un écrin de verdure, à 100 km de la capitale Danoise, l’usine de Kalundborg assure notamment l’ensemble de la production d’insuline de Novo Nordisk, soit la moitié de l’insuline mondiale. Les molécules, issues de la fermentation, sont acheminées sous forme de cristaux congelés, à Chartres, au Brésil, aux États-Unis, au Japon et en Chine pour leur conditionnement final.
Un modèle pour l’entreprise qui vient d’investir 2 milliards de dollars pour en construire la réplique à Clayton, en Caroline du Nord. « C’est le plus gros projet pharmaceutique du monde », explique Henrik Wulff, vice-président exécutif de la production. L’enjeu : se préparer au lancement du semaglutide par voie orale, dès 2020 aux États-Unis.
Une première mondiale
Aucune molécule biologique n’avait jusqu’ici réussi le pari du passage de la barrière intestinale. Une prouesse rendue possible par une formulation (développée par la startup Emisphere) avec un Snac, une petite molécule qui tamponne le milieu et empêche les enzymes intestinales acidophiles de dégrader le principe actif. La demi-vie du semaglutide oral est alors d’une semaine, comme pour sa forme injectable (Ozempic) qui vient d'être lancée en France en avril dernier dans le diabète de type 2 (DT2) … mais des dossiers sont déjà déposés en Europe et aux États-Unis pour l’indication obésité (espérée pour 2022), qui rendrait particulièrement intéressante la formulation orale.
L’effet pléiotrope de cet agoniste des récepteurs du GLP1 (arGLP1) a en effet permis d’envisager le plus large programme de développement clinique jamais réalisé par le laboratoire, dans le DT2 (études Pionner 1 à 10), l’obésité (programme Step 1 à 6 chez 5 500 patients obèses, étude de sécurité CV Select chez 17 500 patients sans diabète à la dose de 2,4 mg), la rétinopathie (Focus, chez 1 500 patients ayant un DT2 de plus de 10 ans), le risque cardiovasculaire (Soul, 9 642 DT2 avec maladie CV ou rénale), la NASH (phase II), l’insuffisance rénale chronique (Flow, 3 160 DT2 avec IR modérée à sévère) mais aussi dans les maladies d’Alzheimer et de Parkinson.
Des récepteurs aux GLP1 ont été mis en évidence dans différentes régions cérébrales, avec un effet chez le rat sur la satiété, l’arrêt de la prise et le choix alimentaire, le circuit de la récompense et de l’aversion… notamment au chocolat (1). Et, chez les humains, les GLP1 réduisent la prise alimentaire, la faim et augmentent la satiété (2).
Rejoindre la chirurgie bariatrique
L’ambition de Novo Nordisk n’est rien de moins que de rejoindre la chirurgie bariatrique, en termes d’efficacité thérapeutique sur la perte de poids. Actuellement, les modifications de mode de vie font perdre de 3 à 5 % de poids corporel en moyenne, les médicaments de 3 à 9 % à un an (3) et la chirurgie bariatrique permet d’atteindre 12 à 45 % à 3 ans (4). « Le semaglutide fait déjà – 16 % dans les programmes de phase II, explique Mads Krogsgaard Thomsen, vice-président et directeur scientifique, des associations avec d’autres molécules pourraient réduire encore l’écart avec la chirurgie ». Dans le pipeline, figurent notamment un analogue de l’amyline longue durée ; un co-agoniste glucagon-GLP1 ; des peptides YY, associés ou non au semagludide ; un triple agoniste GLP1-GIP-glucagon ; et un autre GLP1 de 2e génération. De quoi atteindre rapidement les – 30 % de poids.
En outre, un contrat a été signé avec la biotech Ossianix, pour un système qui permettrait de passer la barrière hématoméningée ouvrant de nouvelles perspectives comme coupe-faim. Un autre, avec Embark Biotech, pour augmenter le métabolisme basal. Enfin Kallyope travaille avec Novo sur l’axe cerveau-intestin. D’autres travaux sont menés sur les cellules souches, dans le DT1 et pour restaurer des neurones dopaminergiques fonctionnels.
Des molécules plus glucosensibles
Deuxième axe de recherche tout aussi crucial, développer dans le diabète des traitements au profil glycémique le plus plat possible, avec des molécules dites « sensibles au glucose », comme c’est le cas des dernières classes thérapeutiques apparues sur le marché, notamment les incrétines et les iSGLT2.
Ziylo, une insuline glucosensible (ou « smart insulin ») est le projet le plus novateur. Viendra avant la LAI287, une insuline hebdomadaire actuellement en phase II dans le DT2 et qui devrait faire l’objet de publications cette année. Elle présente un profil plus plat que les précédentes.
Enfin, l’insuline orale pourrait devenir envisageable, avec le développement par le MIT d’une capsule qui, sur le principe d’une tortue, se retourne pour délivrer la macromolécule dans un sens précis à la paroi intestinale (5).
Concernant les produits déjà sur le marché, la degludec (Tresiba) a confirmé son efficacité dans une étude de vraie vie aux États-Unis, avec une réduction de 0,3 % de l’HbA1c et un risk ratio de 0,7 en ce qui concerne les hypoglycémies, versus glargine U300 (Toujeo).
D’après un voyage de presse organisé par Novo Nordisk au Danemark, 29 mai 2019 (1) Raun K diabetes 2015;64 (suppl1) A 293 (2) Blundell J et al. Diabe obes metab 2017 19:1241-51 (3) Susan Z et al. Jama 2014 (4) Bruce M et al Cir Research 2016 (5) Science 2019 feb 8 ; 363(6427) : 611
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