Avec la révolution industrielle, la production alimentaire a augmenté beaucoup plus vite que la population, et l’urbanisation a explosé à partir du début du XXe siècle. « À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, le contrat social a consisté à produire les aliments les moins chers possibles avec un maximum de qualité sanitaire, en particulier microbiologique », souligne Nicolas Bricas, socio-économiste et chercheur au Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad). Mais, aujourd’hui, ce système est au cœur de toutes les critiques. Un récent sommet des Nations Unies a conclu qu’il ne pourrait pas être généralisé à l’ensemble de la planète.
Une évolution indispensable
Il existe de multiples raisons qui poussent à opter pour un système alimentaire plus durable. L’enjeu environnemental, d’abord, puisqu’il est indispensable à toute vie sur Terre. « La surexploitation, l’épuisement des ressources, des mines de phosphates, l’effondrement de la biodiversité, montrent que nous devons apprendre à régénérer les ressources renouvelables, de façon durable. Le système alimentaire actuel (de la production jusqu’à la consommation) représente environ un tiers des émissions de gaz à effet de serre. Et les pollutions aux plastiques, pesticides, et à l’azote engendrent une saturation des milieux naturels », indique Nicolas Bricas.
Le deuxième enjeu est social et culturel, avec l’explosion des inégalités. Depuis les années 1960, le nombre de personnes qui n’avaient pas suffisamment d’argent ou de terres pour manger correctement était en baisse constante. « Mais depuis 5 ans, c’est en train de réaugmenter, notamment à cause des migrations liées aux changements climatiques et aux conflits, mais aussi à la compétition mondiale sur les ressources naturelles. Dans les pays du Sud, ceux qui souffrent le plus de la faim sont ceux qui produisent la nourriture : les agriculteurs. À l’inverse, dans les pays occidentaux, il y a une surproduction alimentaire », ajoute Nicolas Bricas.
Une urgence sanitaire et économique
Autre bonne raison de changer de système : les questions nutritionnelles et sanitaires. Les résistances microbiennes, les carences en micronutriments, le surpoids et l’obésité sont des facteurs de maladies inquiétants. « Dans les pays du Sud et en Asie, l’intoxication chimique, notamment aux pesticides, est une bombe à retardement. Depuis une dizaine d’années, on y exporte des pesticides interdits, sans véritable contrôle », déplore Nicolas Bricas. Côté économique, la flambée des prix depuis 2008, l’instabilité liée aux crises sanitaires et climatiques fragilisent les entreprises. « Aujourd’hui, le système alimentaire est gouverné par une poignée de gens qui ont fondé leur richesse sur l’industrie », regrette Nicolas Bricas.
Optimiser les ressources
L’une des solutions serait de diminuer la consommation alimentaire et le gaspillage dans les pays du Nord. « Moins de produits animaux et transformés à forte valeur ajoutée, générant beaucoup de déchets, serait souhaitable. Il faudrait aussi se tourner vers l’agro-écologie pour avoir des systèmes de production adaptés à des situations très diversifiées. Et développer des technologies pour optimiser nos ressources et réduire nos usages », propose Nicolas Bricas. S’il peut montrer, par ses choix, aux entreprises qu’il existe une attente d’équité sociale, le consommateur ne peut être le seul moteur du changement. « Si l’on réintègre les aspects environnementaux et sociaux dans les coûts de l’alimentation durable, celle-ci devient plus chère que l’alimentation industrielle. Elle n’est pas accessible à tous. Le consommateur est aussi limité par son environnement : il n’a pas toujours accès à une alimentation correcte. L’effort principal doit donc être porté plutôt du côté de l’offre. Il faut construire un nouveau contrat social fondé sur la démocratie alimentaire. L’alimentation n’est pas seulement liée à la consommation. Elle est un moyen de se relier aux autres, à la biosphère, au paysage vivant non humain, à l’écologie », explique Nicolas Bricas.
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