DEUX NÉGATIONS valent une affirmation. C’est ainsi que la conclusion d’un travail français montre l’absence de non-infériorité d’une antibiothérapie par rapport à l’appendicectomie, donc l’infériorité du traitement médical sur l’option chirurgicale. Le travail a été mené dans six centres hospitalo-universitaires et son objectif était de vérifier les constats d’études antérieures. Elles étaient favorables à la prise en charge médicale, mais étaient entachées de limitations, qui rendaient leurs résultats contestables.
3 g/j d’amoxicilline-acide clavulanique.
Corinne Vons et coll. ont donc mis en place un essai de non-infériorité, avec tirage au sort, auprès d’adultes de 18 à 68 ans. Ils étaient atteints d’une appendicite aiguë non compliquée, affirmée par un scanner abdominal. Une partie des patients enrôlés recevait 3 g/j de l’association amoxicilline-acide clavulanique (A-AC) pendant 8 à 15 jours, l’autre était opérée en urgence. L’objectif principal fixé par les auteurs était la survenue d’une péritonite dans les 30 jours suivant le traitement.
Au départ, 243 patients ont été tirés au sort, 123 mis sous antibiothérapie et 120 ont subi une appendicectomie. En raison de 4 exclusions, l’analyse finale, en intention de traiter, a été menée sur 239 patients, respectivement 120 et 119. Au terme des 30 jours fixés dans le protocole le taux de péritonites était plus élevé parmi les sujets sous antibiotiques que chez les autres. Ils étaient 9 (8 %) contre 2 (2 %) parmi les sujets opérés. La différence est évaluée à 5,8 pour un intervalle de confiance à 95 % allant de 0,3 à 12,1.
Les auteurs relèvent que dans le groupe appendicectomie, malgré la confirmation par scanner, 21 des 119 patients (18 %) étaient déjà atteints d’une péritonite de découverte chirurgicale inopinée. Quant à ceux sous A-AC, 14 sur 120 (12 %) ont subi une appendicectomie au cours des 30 premiers jours et 30 sur 102 (29 %) ont été opérés entre un et 12 mois plus tard. Chez ces derniers, dans 26 cas il s’agissait d’une appendicite aiguë, soit un taux de récidive de 26 %.
Les données brutes, on le voit, suggèrent la supériorité de l’option chirurgicale. Pourtant, dans un éditorial, un chirurgien américain, Rodney J. Mason (Los Angeles), se montre moins catégorique. Après avoir félicité les auteurs, il constate qu’ils ont fixé à leur intervalle de confiance des marges de 10 %. Ce taux utilisé habituellement dans des comparaisons entre médicaments est probablement trop étroit lorsque l’on compare une option chirurgicale et un traitement médicamenteux. Il faut alors tenir compte du rapport bénéfice-risque très différent entre les traitements. Les Français ne rappellent-ils pas, en préambule, que de 2 à 23 % des appendicectomies connaissent quelques complications et qu’à dix ans, 3 % des patients sont réhospitalisés pour une occlusion sur bride. Dès lors, R. Mason considère que les marges auraient dû être fixées à 15 %, « ce qui à mon sens n’est pas déraisonnable ». Dans ce cas la non-infériorité aurait été confirmée.
La résistance d’Escherichia coli.
L’Américain ajoute un argument fondé sur la bactériologie et que les auteurs évoquent également. La résistance d’Escherichia coli à l’A-AC est largement supérieure aux marges d’intervalle de confiance choisies. En Europe, elle concerne 66 % de ces bactéries. Or E. Coli est le micro-organisme le plus souvent en cause. « Pour cette raison, l’A-AC n’est pas recommandé dans le traitement non-chirurgical de l’appendicite » précisent les auteurs, des céphalosporines de 3e génération pourraient être prescrites, mais elles ne sont pas recommandées pour l’instant.
Ils ajoutent que deux tiers des patients traités par antibiotiques ont été opérés dans le premier mois. Cela pourrait être considéré comme un échec du traitement médical en prévention des complications d’une appendicite non-opérée. Si tel était le cas, le taux d’appendicites compliquées découvertes au moment de l’intervention aurait dû être supérieur à celui du groupe opéré d’emblée. C’est le contraire qui a été constaté. Ce qui laisse penser que des complications locales existaient dès l’enrôlement, n’avaient pas été visualisées au scanner et que certaines d’entre elles ont été traitées grâce à l’antibiothérapie.
La conclusion est double. Tout d’abord ce travail confirme l’appendicectomie en urgence comme « gold standard » de l’appendicite aiguë. Ensuite, il fait sentir le besoin de marqueurs prédictifs en imagerie scanner susceptibles de mieux cibler les traitements antibiotiques.
Lancet, vol 377, 7 mai 2011, pp. 1545-1546 (éditorial) et 1573-1579.
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