Accélérer la lutte contre une « épidémie silencieuse » dont on parle peu mais qui est responsable 4 000 décès chaque année et qui touche 500 000 personnes en France. C’est pour répondre à cette injonction qu’à la demande de la ministre des Affaires sociales et de la Santé, des experts ont élaboré les premières recommandations sur la prise en charge des hépatites virales.
Le rapport qui a mobilisé 22 groupes d’experts coordonnés par le Pr Daniel Dhumeaux (CHU Henri Mondor, Créteil) sous l’égide de l’ANRS (France Recherche Nord&sud Sida-hiv hépatites) et l’AFEF (Association française pour l’étude du foie), détaille les 180 recommandations validées par un comité indépendant de scientifiques et de représentants du monde associatif.
Des personnes infectées qui s’ignorent
Dans un contexte épidémiologique tel que celui des hépatites : la moitié des 300 000 personnes infectées par le VHB ignore sont statut sérologique et un tiers des 200 000 touchées par le VHC ne se sait pas infecté et compte tenu des progrès thérapeutiques sans précédent, les « insuffisances dans le dépistage conduisent à une perte de chance » pour les patients, ce qui est « inacceptable », soulignent les experts.
Le rapport recommande la poursuite du dépistage actuel en fonction des facteurs de risque de contamination mais appelle à renforcer l’information notamment des médecins généralistes dans le cadre du contrat d’objectifs. Aux côtés du dépistage ciblé, les experts souhaitent que le dépistage soit plus systématiquement proposé aux hommes âgés de 18 à 60 ans (au moins une fois dans leur vie), en couplant le dépistage du VHB et du VHC à celui du VIH. Les femmes enceintes se verront proposer un dépistage dès la première consultation prénatale (au lieu du 6e mois), là aussi en associant dépistage du VHB, du VHC et du VIH.
Pour mieux atteindre les personnes ne fréquentant pas ou peu les structures de soins classiques, un recours aux tests d’orientation diagnostique (TROD) du VHB et du VHC est recommandé. « Les TROD VHC ont d’ores et déjà été validés par la Haute Autorité de santé », a annoncé le Pr Dhumeaux en précisant qu’ils n’ont pas vocation à « être utilisé en routine par le médecin généraliste ».
Traiter en priorité les patients avec une fibrose significative
Le point d’orgue de ces recommandations et celui sans doute qui fera débat, reste la prise en charge thérapeutique notamment de l’hépatites C. « Les nouvelles combinaisons de molécules à activité antivirale directe, per os, permettent de s’affranchir de l’interféron avec une efficacité très élevée (plus de 90 %) quel que soit le type de patients avec cirrhose ou sans, co-infecté ou non par le VIH », souligne le Pr Dhumeaux. Le tout avec des durées de traitement courtes : 3 mois. Le hic : « Le coût exorbitant de ces traitements », déplore le Pr Dhumeaux. Des coûts si élevés que les experts ont renoncé à l’objectif qui à terme « pourrait être de traiter l’ensemble de personnes atteintes d’hépatite C, en visant l’éradication virale ». Le rapport suggère de traiter en priorité les patients ayant au moins une fibrose significative (stade de fibrose supérieur ou égal à F2 évalué par une biopsie du foie ou beaucoup plus souvent maintenant par des tests non invasifs) et, quel que soit le stade de fibrose, les patients ayant des manifestations extra-hépatiques ou en attente de transplantation, les femmes ayant un désir de grossesse, les usagers de drogues et les personnes détenues.
Prévention
Quant à la prévention, elle englobe la vaccination contre l’hépatite B, insuffisante chez les pré-ados et les adolescents mais aussi la lutte contre les facteurs de risque comme l’alcool, le diabète, l’hypertension artérielle ou la surcharge pondérale. Le rapport insiste enfin sur la recherche. La cohorte ANRS « Hépater » lancée en mar dernier (25 000 patients suivis pendant 8 ans) va notamment permettre de mesurer les bénéfices des traitements dans la vraie vie.
Marisol Touraine a confié à la Direction générale de la santé (DGS) et à l’ANRS la mise en place d’un Comité de suivi afin d’assurer la mise en œuvre concrète des recommandations.
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