Ce qu’on peut faire et ce qu’il ne faut pas faire

Petits arrangements avec le médicament

Publié le 05/10/2010
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« LES FORMES GALÉNIQUES ont été conçues pour faciliter la prise du médicament, elles ne doivent pas, a priori, être modifiées. » rappelle le Pr Pascal Werlhé (Faculté de Pharmacie, Strasbourg).

Pour autant, la majorité des comprimés, faits de poudre comprimée et non enrobés, sont conçus pour se désintégrer rapidement dans l’estomac et par conséquent, peuvent être écrasés au préalable. Le comprimé écrasé doit alors être incorporé dans une petite quantité d’un aliment semi-solide ou liquide selon les propriétés physico-chimiques du médicament et pris immédiatement.

Attention aux enrobages gastrorésistants.

La situation est différente lorsqu’il s’agit de comprimés à libération modifiée, gastrorésistants, pour lesquels l’enrobage est volontairement étudié pour retarder l’absorption des principes actifs. Dans aucun cas, il ne faut les écraser. En revanche, ils peuvent parfois être dissous. « Les comprimés gastrorésistants d’Inexium, par exemple, ne doivent pas être mâchés, ni croqués. Mais d’après la notice, ils peuvent être dispersés dans un demi-verre d’eau (non gazeuse) chez les patients ayant des difficultés à avaler. Aucun autre liquide ne doit être utilisé car l’enrobage entérique peut être dissous. Il faut alors boire la solution immédiatement (ou dans les 30 minutes) », ajoute le Pr Pascal Wehrlé.

De même, la plupart des gélules peuvent être ouvertes et leur contenu administré de la même façon qu’un comprimé écrasé. Si la gélule contient des microgranules enrobés, ces dernières ne doivent pas être croquées ou broyées.

Il faut aussi attirer l’attention du patient, car les modalités d’écrasement ou d’ouverture sont souvent faites de façon « artisanale » La récupération de la poudre est loin d’être totalement garantie et la dose prise risque de ne plus être correcte. De nombreux comprimés présentent une barre de sécabilité qui autorise alors, bien évidemment, une prise fractionnée. Lorsqu’il n’y a pas de barre, le fractionnement est déconseillé.

« De même, les « patchs » ne doivent pas être coupés, même de type matriciel : toute intervention sur le dispositif transdermique modifie sa cinétique. Il existe en principe suffisamment de dosages pour adapter la posologie. » ajoute le Pr Pascal Wehrlé.

Interactions alimentaires.

Les patients préfèrent généralement prendre leurs médicaments pendant le repas ; d’une part parce que ce « temps fort » de la journée facilite le réflexe de prise, et d’autre part car ils ont le sentiment que les médicaments pris à ce moment-là seront mieux tolérés.

La prise de certains médicaments pendant le repas peut certes en améliorer la tolérance. Mais attention, boissons et aliments peuvent agir sur la pharmacocinétique et la pharmacodynamique des médicaments et en modifier la biodisponibilité et l’efficacité. Le cas des antivitamines K associés à des aliments riches en vitamines K (choux, brocolis, épinards, avocats…) est bien connu.

De nombreux patients en prenant leur médicament au petit-déjeuner préfèrent le jus de fruit ou le thé à l’eau. Il convient de leur rappeler que le jus de pamplemousse est à éviter avec la prise de nombreux médicaments (simvastatine, dans une moindre mesure atorvastatine, immunosuppresseurs, antiprotéases, anti épileptiques…). Il augmente leur absorption et donc, potentiellement, leurs effets indésirables. En revanche, le jus de pomme et le jus d’orange ne provoquent pas d’interaction connue. Le lait n’est pas forcément la boisson idéale : il peut diminuer l’absorption des antibiotiques (tétracyclines, ciprofloxacine, norfloxacine…). Il est bien connu également qu’il ne faut pas diluer les gouttes de fluor dans les boissons lactées. Enfin, les tanins contenus dans le thé empêchent l’absorption du fer.

 CHRISTINE FALLET

Source : Le Quotidien du Médecin: 8829