Hépatite C

Quels objectifs à l'heure du traitement universel?

Publié le 03/10/2016
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HEP C

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Crédit photo : PHANIE

L’instruction du 28 juillet 2016 (1) a en effet rendu éligible au traitement antiviral et ce indépendamment du degré de fibrose, les patients ayant des manifestations extra-hépatiques du VHC (dont la fatigue chronique) ou un facteur de risque de vitesse de progression sévère de la maladie hépatique (génotype 3, co-infection VIH ou VHB), ou une comorbidité (cryoglobulinémie mixte, lymphome B, hémodialyse, transplantation…), ou un risque de transmission élevé (usage de drogues, détenus, désir de grossesse…).

L’immense majorité des patients peut déjà être traitée, même si l’instruction élude certains facteurs de vitesse de progression sévère (diabète, NASH, consommation excessive d’alcool). Les modélisations font miroiter une éradication de la maladie en 2023… à condition d’énormes efforts de dépistage, de traitement et d’éducation.

Mener une grande politique de dépistage

Les populations à risque élevé de transmission et dissémination du VHC sont les précaires, les détenus, les usagers de drogue et les migrants (la prévalence de VHC peut chez eux avoisiner 3 à 4 % contre 0,8 % dans la population générale née en France). Le dépistage sur facteurs de risque reste d’actualité en 2016.

Mais, avec la levée progressive des restrictions sur le traitement, « il faut passer à la vitesse supérieure, estime le Pr Hézode, mettons en place le dépistage populationnel chez les hommes de 18-60 ans (au moins une fois dans leur vie, une sérologie VHC, VHB et VIH) et le dépistage systématique du VHC chez la femme enceinte comme le préconisait en 2014 le rapport Dhumeaux ».

Les femmes plus âgées sont-elles oubliées du rapport Dhumeaux ? Si elles sont moins touchées que l’homme par le VHC, l’enquête LaboHep 2013 (2) montre chez elles 2 pics de prévalence (40-50 ans et surtout 60-70 ans). « À défaut d’étude coût-efficacité d’un dépistage populationnel, il convient de rechercher des facteurs de risque d’infection VHC (transfusion…) après la ménopause, d’autant qu’à cet âge la progression de la cirrhose peut s’accélérer », estime le Pr Hézode.

Préserver les traitements très efficaces

Dans les cohortes de vie réelle chez les patients les plus sévères, les traitements optimaux actuels apportent plus de 95 % de guérison sans interféron et dans l’immense majorité des cas sans ribavirine, donc sans effets indésirables significatifs. Sous traitement, l’état général des patients s’améliore. La guérison signe une renaissance.

Ces traitements sont courts (8 à 12 semaines dans la majorité des cas) même si certains patients doivent être traités jusqu’à 24 semaines. Les naïfs de traitements, sans cirrhose et avec charge virale inférieure à 6 millions (1/3 des patients) sont traités par 1 cp/j pendant 2 mois.

Jusqu’ici les patients traités étaient malades, impliqués et compliants. « Élargir le traitement à des populations faciles à traiter au plan virologique mais qui ne se sentent pas malades pose le problème de la compliance pour ne pas risquer de sélectionner des variants résistants !, rappelle le Pr Hézode. Le rôle des infirmières d’éducation thérapeutique, aidées si besoin de traducteurs sera déterminant pour expliquer et assurer la compliance durant les 2 mois de traitement ».

Éduquer et détecter les recontaminations

Les recommandations précisent que les patients F0 F2 sans comorbidité qui 1 an après l’arrêt du traitement ont un bilan hépatique normal, une échographie hépatique normale et une charge virale indétectable, doivent sortir du suivi, sauf si celui-ci vise à détecter une recontamination.

Deux grandes populations sont à risque de recontamination : « les usagers de drogue et les HSH (hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes) dont les rapports sexuels sont à risque, traumatisants et avec du sang (une étude (3) montre un taux de recontamination de 25 % à 3 ans). Pour éradiquer le réservoir de VHC, il faut des messages d’éducation, traiter les HSH et les usagers de drogue et pratiquer chez eux un dépistage de ré-infection à chaque nouvelle exposition à des facteurs de risque, et au minimum annuel », souligne le Pr Hézode.

Surveiller le CHC comme le lait sur le feu

Guérir l’hépatite C diminue l‘incidence du carcinome hépatocellulaire (CHC, proche de 25 % sans traitement). 15 à 30 % des transplantations seraient évitées. Chez les patients cirrhotiques de la cohorte Hépather, les complications (décompensation, CHC) diminuent 1 ou 2 ans après l’arrêt du traitement. Chez les cirrhotiques guéris, des données récentes suggèrent deux catégories de patients : ceux avec comorbidité (syndrome métabolique, surpoids, diabète ou consommation d’alcool) qui ont un risque de CHC à 5 ans évalué à 7 % et ceux sans comorbidité dont le risque de CHC est probablement nul, mais qu’il faut continuer à surveiller (pas de recul sur de larges cohortes).

« La surveillance échographique rigoureuse du CHC doit être maintenue tous les 6 mois, sans l’espacer chez tout cirrhotique guéri de l’hépatite C ! », martèle le Pr Hézode. Une étude française (4) sur la cohorte CirVir a comparé chez des cirrhotiques guéris de l’hépatite C, la survenue du CHC et l’accès à un traitement curatif selon qu’ils avaient respecté la périodicité des échographies (tous les 6 mois) ou non (+ de 7 mois, en moyenne 10 mois). Verdict ? L’espacement des échographies s’associe à un net recul du traitement curatif et de la survie, tandis que dans le groupe respectant un suivi tous les 6 mois, l’accès à un traitement curatif et la survie sont meilleurs.

D’après un entretien avec le Pr Christophe Hézode, hôpital Henri Mondor, Créteil
(1) Instruction N° DGOS/PF2/DGS/SP2/PP2/DSS/1C/2016/246 du 28 juillet 2016 relative à l’organisation de la prise en charge de l’hépatite C par les nouveaux antiviraux d’action directe (NAAD)
(2) Pioche C et al. Bull Epidémiol Hebd 2015;(26-27):478-84
(3) Martin TC et al. EASL 2016, (Abs. PS006 actualisé 
(4) Costentin C. EASL 2016  (Abs. PS116 actualisé)

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan Spécialiste