Par le Pr Jean-Jacques Tuech*
LA POLYPOSE adénomateuse familiale (PAF) classique se traduit par l’apparition de centaines, voire de milliers de polypes adénomateux dans le côlon et le rectum au cours de l’adolescence ou après celle-là. Le nombre de polypes a été identifié comme un facteur prédictif de survenue de cancer : le chiffre de 1 000 est actuellement utilisé comme valeur seuil au-delà de laquelle le risque de cancer augmente nettement. Les registres européens montrent que le risque de développer un cancer colo-rectal est très faible avant 20 ans (1,3 %).
Le risque de cancer étant inéluctable, la chirurgie prophylactique est donc proposée entre 18 et 20 ans, plus tôt en cas de polypes nombreux (› 1000), de polypes de plus de 15 mm et de dysplasie de haut grade. Le rectum pourra être conservé lorsque le risque de cancer est faible (moins de 1 000 polypes coliques, moins de 5 polypes rectaux [conservation discutée jusqu’à 20 polypes], sans dysplasie, chez un patient acceptant une surveillance rectale à vie.
La chirurgie consistera en une coloproctectomie totale avec anastomose iléo-anale (AIA) lorsqu’il existe plus de 1 000 polypes coliques ou plus de 20 polypes rectaux ou devant une impossibilité de surveillance rectale. La colectomie totale avec anastomose iléo-rectale (AIR) est retenue lorsqu’il y a moins de 1 000 polypes coliques et moins de 20 polypes rectaux.
Après AIR, le rectum doit être surveillé par endoscopie annuelle avec résection de tout polype de plus de 5 mm et l’indication d’une proctectomie devra être posée si se développent rapidement plus de 20 lésions ou en cas de dysplasie.
Après AIA, le réservoir sera surveillé à un an puis tous les deux à trois ans.
Atteinte duodénale.
La polypose duodénale touche plus de 90 % des patients porteurs de PAF ; l’âge moyen de découverte d’un cancer du duodénum est de 52 ans. Les polypes se développent préférentiellement, par ordre de croissance, au niveau de l’ampoule de Vater, du duodénum proximal et distal et du jéjunum proximal.
L’endoscopie duodénale permet de classer l’atteinte selon le score de Spigelman (nombre de polypes, type histologique, taille du polype, dysplasie) allant de I à IV et ainsi de définir le rythme de la surveillance endoscopique et l’indication d’un traitement chirurgical. Le traitement endoscopique par mucosectomie ou ampullectomie sera privilégié, le traitement chirurgical étant indiqué en cas de dysplasie sévère et en cas de traitement endoscopique impossible.
Tumeurs desmoïdes.
Les tumeurs desmoïdes touchent de 0 à 25 % des patients atteints de polypose et elles sont la deuxième cause de mortalité (11 %) et la première cause de mortalité après coloproctectomie totale et AIA. Chez les patients porteurs d’une PAF, le risque de survenue d’une tumeur desmoïde est 800 fois plus important que dans la population générale. Ces lésions ont une évolution variable au cours du temps et il existe des régressions spontanées (10 % disparaissent, 10 % ont une croissance rapide, 30 % alternent des cycles de croissance et de régression, 50 % restent stables).
Le traitement médical fait appel à des AINS (sulindac, 400 à 800 mg/j) et, en raison du rôle des estrogènes, une contraception sans estrogènes sera prescrite chez les femmes.
Le traitement chirurgical a une efficacité dans le traitement des tumeurs desmoïdes de la paroi abdominale. En revanche, les tumeurs desmoïdes mésentériques ne seront opérées que la main forcée en raison du risque opératoire, du risque de séquelles digestives et d’une incertitude quant au bénéfice de ce type de résection.
Cancer de la thyroïde et autres lésions.
Le troisième cancer le plus fréquent chez les patients ayant une PAF est le cancer de la thyroïde. Il touche plus la femme que l’homme et est multifocal dans 44 à 64 % des cas. Un dépistage échographique est recommandé avec cytoponction des nodules › 9 mm. En cas de cancer, la thyroïdectomie totale de principe est indiquée en raison du caractère multifocal.
D’autres lésions peuvent aussi être associées : hépatoblastome, tumeur cérébrale, kyste épidermoïde, anomalie dentaire, hypertrophie de l’épithélium pigmentaire de la rétine.
Diagnostic préimplantatoire.
Le diagnostic préimplantatoire est légal en France pour les patients porteurs de PAF. Le recours à la procréation médicalement assistée peut être proposé aux personnes atteintes de PAF dans deux situations : lorsque le couple envisage un diagnostic préimplantatoire (situation la moins fréquente), ou bien en cas d’infécondité (après chirurgie et anastomose iléo-anale par exemple).
* Département de chirurgie digestive, CHU de Rouen.
Lien d’intérêt : aucun.
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