Une très forte réponse immunitaire a été obtenue

Un candidat vaccin anti-hépatite C prometteur en phase I

Publié le 10/01/2012
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

ON ESTIME que 160 millions de personnes dans le monde sont infectées de façon chronique par le virus de l’hépatite C (VHC), un virus transmissible par le sang. Comportant un risque d’évolution vers la cirrhose hépatique (jusqu’à 20 % des cas), elle-même associée à un risque de développer le cancer du foie, l’infection par le VHC est une cause majeure de morbimortalité.

Si des progrès thérapeutiques ont été enregistrés, il n’y a pas encore de vaccin prophylactique ou thérapeutique.

Deux études publiées dans « Science Translational Medicine » ouvrent une voie de développement vaccinal prometteuse contre le VHC.

De précédentes études ont suggéré le rôle essentiel de l’immunité cellulaire T spécifique pour protéger contre certaines infections (hépatite C, VIH, paludisme, tuberculose) et le cancer.

Une approche destinée à induire cette immunité (réponse T CD8+ spécifique contre un antigène donné) est le vaccin génique, qui consiste à introduire dans les cellules de l’individu le gène codant l’antigène, afin qu’elles produisent elles-mêmes l’antigène étranger activant la réponse immune.

Le vecteur le plus utilisé pour délivrer le gène vaccinal a été l’adénovirus humain de sérotype 5 (Ad5) car il induit une forte immunogénicité par rapport à d’autres vecteurs viraux ou à l’ADN nu. Toutefois, son succès comme vecteur vaccinal est resté limité car la plupart des personnes ont une immunité vis-à-vis de l’Ad5.

Colloca et coll. (de la compagnie biopharmaceutique Okairos à Rome), ont découvert que des adénovirus humains de sérotypes rares (Ad24, 26, 34 et 35), moins susceptibles d’être neutralisés par la plupart des individus, sont malheureusement bien moins puissants comme vecteurs de vaccins que l’Ad5, cela aussi bien chez les souris que chez les primates non humains, ce qui jette un doute sur leur efficacité potentielle chez les humains.

Adénovirus de chimpanzé.

Puis, dans un impressionnant travail, ces chercheurs ont isolé et séquencé plus de mille souches adénovirales des chimpanzés et les ont utilisés pour générer des vecteurs de vaccin incapables de réplication (vecteurs Ch Ad). Le ChAd3, en particulier, se montre immunologiquement puissant chez la souris, et peut être neutralisé par seulement 12 % de la population humaine.

Dans un essai clinique de phase 1 chez des volontaires humains en bonne santé, Barnes et coll. (Oxford et Birmingham, Royaume-Uni) ont utilisé ce vecteur adénoviral du chimpanzé (ChAd3) pour délivrer un vaccin génique VHC, et ont comparé son immunogénicité à celle d’un vaccin similaire délivré par un rare adénovirus humain (Ad6) ; ils ont évalué plusieurs protocoles d’immunisation. Les deux vecteurs adénoviraux expriment 3 protéines non structurelles (NS3, NS4 et NS5) du VHC de génotype 1B qui prédomine en Asie. L’Ad6 peut être neutralisé par seulement 22 % de la population humaine.

Les résultats montrent que les deux vecteurs induisent des réponses cellulaires T contre des protéines du VHC et que ces réponses sont capables de reconnaître des souches hétérologues (génotypes 1A et 3A) ; les cellules T spécifiques du VHC sont constituées de cellules T CD4 et T CD8, sécrètent de l’IL-2, IFN-gamma, et le TNF-alfa, et peuvent persistent pendant au moins un an après le rappel par le vecteur adénoviral hétérologue.

« Le résultat le plus important est que ces vaccins peuvent générer une très forte réponse immune contre le VHC, explique au " Quotidien " le Dr Paul Klenerman (Université d’Oxford) qui a dirigé l’essai. Évidemment nous ne savons pas encore si ces vaccins offrent une protection complète, mais les réponses ont toutes les caractéristiques recherchées (force, amplitude, fonctionnalité et longévité) et de même qualité que celles que l’on observe chez les gens qui éliminent naturellement l’infection. »

« Ces résultats sont importants pour le VHC, mais en fait l’approche vaccinale utilisant ces nouveaux vecteurs pourrait être très utile également pour la tuberculose, le paludisme, le VIH et certains cancers. »

Les prochains objectifs.

« Mes collègues d’Okairos ont mis sur pied une nouvelle étude aux États-Unis menée chez des usagers de drogues intraveineuses qui sont à haut risque d’infection VHC, afin d’évaluer l’effet protecteur du vaccin contre l’infection naturelle. L’autre étape est déjà entreprise à Oxford par ma collègue Ellie Barnes, qui évalue si ces vaccins peuvent améliorer les réponses immunes chez des patients déjà infectés par le VHC, et aider ainsi à éliminer l’infection, soit seuls soit, plus vraisemblablement, avec d’autres médicaments. »

Science Translational Medicine, 4 janvier 2012, Colloca et coll., Barnes et coll.

 Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9062