La notion de race n'a « absolument aucun sens », estime le Pr Alain Verloes, généticien à l'hôpital Robert Debré*.
Premier argument : il existe beaucoup plus de différences entre deux individus, qu'en moyenne, entre deux groupes de population. La découverte du séquençage du génome au début des années 2000 apporte un ferme démenti à la division des groupes humains selon les critères morphologiques, qui a cours depuis l'antiquité. « La séquence codante d'un individu dit "normal" présente au moins 50 000 variations par rapport à la séquence canonique du génome humain établie en 2001 », explique le Pr Verloes.
« Ces variations ont été étudiées dans les populations. Elles sont bien différentes d'un endroit de la terre à l'autre et on ne retrouve pas forcément les mêmes polymorphismes en Afrique et en Suède », poursuit le Pr Verloes. « Mais il y a moins de différences en moyenne entre deux groupes de Finlandais et de d'Ougandais, qu'entre deux individus du même groupe, les variations individuelles étant beaucoup plus importantes que les variations moyennes », assure le généticien.
Deuxième argument : aucun marqueur universel autorisant une division de la population terrestre en groupes (Africain, Caucasiens, asiatiques, par exemple) n'a été mis en évidence. Bien au contraire, « on observe un continuum de variations, sans frontière ni rupture, entre les populations », dit le Pr Verloes. « Des chercheurs ont génotypé les individus dits normaux dans les tous les pays européens : effectivement, ils ont retrouvé un profil moyen d'Espagnol, de Grec, mais ils ont aussi établi une variation continue avec des glissements entre les populations ».
Histoire des migrations
En outre, ces variations témoignent de l'histoire des migrations humaines. « On peut reconstituer les mouvements des populations en observant l'apparition et l'accumulation des variations », explique le Pr Verloes qui rappelle que nous descendons tous d'un groupe d'Africains vivant au-dessus des Grands lacs, ayant migré vers l'Arabie, avant de tourner à l'ouest ou à l'Est. « Il n'y a jamais eu de saut qualitatif ; seulement un changement progressif de morphologie lié aux migrations », résume le Pr Verloes. Et d'ajouter que ces variants sont sans cesse rebrassés, notamment sous l'impulsion des nouveaux modes de transports.
Pour autant, le Pr Verloes ne nie pas l'intérêt d'identifier des groupes à risques, tant qu'on ne « s'en sert pas pour les diviser ».
« Les humains ne sont pas interchangeables. En tant que pédiatre, quand je vois un petit Malien qui ne marche pas à un an, je me dis qu'il y a un souci, ce qui n'est pas le cas face à un Français », confie-t-il. Mais la notion de race, « qui sent le souffre », ni même celle d'ethnie (« formule édulcorée et plus neutre ») n'est d'aucune utilité pour penser la différence. « On ne peut pas diviser les races selon des paramètres biologiques immuables ; aucun paramètre n'est pertinent sur toute la ligne », conclut-il.
* Département de génétique, CRMR « Anomalies du développement & syndromes malformatifs », CRMR « Déficiences intellectuelles de causes rares ».
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024