Dans les maladies inflammatoires chroniques, qu’elles soient rhumatologiques, intestinales ou cutanées, la composante génétique est soulignée depuis longtemps. Les techniques d’associations pangénomiques (Genome wide association studies, GWAS) ont permis de mettre en évidence de très nombreux variants, plus d’une centaine dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et plus d’une cinquantaine dans la spondyloarthrite ankylosante. « Mais nous ne savons pas par quels biais la majorité de ces variants augmentent le risque de développer la maladie, souligne la Pr Corinne Miceli-Richard. En effet, ils n’entraînent pas de modifications des séquences d’acides aminés qui pourraient modifier la fonction de certaines protéines. Les variants sont, pour certains, présents dans les régions intergéniques, et pour rajouter à la complexité, le risque attribuable à ces variants est modéré, avec des odd ratios le plus souvent de l’ordre de 1,1, au mieux de 1,4 ». Ainsi, les découvertes issues des GWAS n’expliquent pas la totalité de l’héritabilité de la maladie.
Héritabilité manquante
Deux grandes voies de recherches sont donc aujourd’hui poursuivies : la compréhension de la fonctionnalité de ces variants génétiques et l’identification de ce qui est à l’origine de l’héritabilité manquante.
Les travaux menés par Farh (1) sur une vingtaine de pathologies auto-immunes apportent un début d’explication à la fonctionnalité de certains variants génétiques. Dans la PR ou la spondyloarthrite par exemple, il a été mis en évidence une surreprésentation des variants bi-alléliques (Single nucleotide polymorphisms, SNPs), dans des « super enhancers », régions du génome capables de réguler l’expression des gènes en étant situées très à distance de ceux-ci. Certains variants génétiques associés aux maladies chroniques pourraient altérer la fonction de ces régions régulatrices. Ainsi, l’une des pistes de réflexion porte sur les conséquences fonctionnelles de ces polymorphismes éloignés des gènes et qui s’expriment de façon plus importante dans certaines populations cellulaires : lymphocytes B et T dans la PR, monocytes dans la spondyloarthrite.
L’autre voie de recherche vise à expliquer l’héritabilité manquante. « Il importe avant tout de rappeler que les pourcentages habituellement attribués à la part génétique d’une maladie sont à prendre avec beaucoup de recul, car ils n’ont pas été évalués en conditions environnementales constantes », précise la Pr Miceli-Richard. Plusieurs pistes sont explorées : interactions entre certains gènes, à l’origine d’une démultiplication de leur impact sur le risque de développer la maladie, mais aussi interactions entre gènes et environnement, difficiles à quantifier, et rôle des facteurs épigénétiques qui régulent l’expression de certains gènes. Le tabagisme est un bon exemple : on compte un nombre élevé de fumeurs parmi les patients ayant une PR, le tabagisme est associé à la sévérité de la spondyloarthrite et de la maladie de Crohn, mais a un effet protecteur dans la rectocolite hémorragique. Il pourrait influencer le déterminisme de certaines maladies chroniques en modulant certaines marques épigénétiques.
Enfin, autre piste : celle des variants rares, non étudiés par les GWAS et qui pourraient expliquer une partie de l’héritabilité manquante des maladies inflammatoire chroniques.
D’après un entretien avec le Pr Corinne Miceli-Richard, hôpital Cochin, Paris.
(1) Farh KK et al. Nature 2015;518:337–43
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