La dissection spontanée de l'artère coronaire (SCAD) est une forme particulière d'infarctus du myocarde qui concerne majoritairement des femmes jeunes ne présentant pas les facteurs de risque cardiovasculaire classiques. Un premier facteur de risque génétique vient d'être identifié dans cette pathologie. Cette découverte a été publiée dans le « Journal of the American College of Cardiology » (1).
« Cette étude est fondamentale, car elle change la vision que nous avions de la SCAD », indique au « Quotidien » Nabila Bouatia-Naji, directrice de recherche INSERM/Paris Centre de recherche cardiovasculaire à l'Université Paris Descartes et investigatrice principale de l'étude.
Déchirement de la couche interne de l'artère
Si les symptômes sont identiques à ceux de l'infarctus classique, la SCAD n'est pas due à une accumulation de lipides, mais à un déchirement au niveau de la couche interne de l'artère qui va être à l'origine d'un hématome et d'une obstruction de la circulation au niveau des artères coronaires. De façon inexpliquée, les patients sont dans 80 à 90 % des cas des femmes préménopausées.
Nabila Bouatia-Naji et son équipe ont précédemment étudié la dysplasie fibromusculaire (DFM), une autre forme atypique de sténose artérielle caractérisée par une obstruction des artères rénales ou carotides. « Nous avons identifié un facteur de risque génétique associé au risque de DFM au niveau du gène PHACTR1. Ceci a été une grande avancée pour comprendre la dysplasie fibromusculaire qui touche en priorité les jeunes femmes, indique Nabila Bouatia-Naji. Des études canadiennes et américaines ont par la suite montré qu’au moins la moitié des patients présentant une SCAD présentaient également une DFM au niveau des artères rénale et/ou de la carotide. Ceci nous a amenés à nous interroger : le facteur de risque génétique associé aux formes rénales et carotidiennes serait-il également un facteur de risque pour la forme coronarienne ? ».
1 055 patients étudiés
Cette nouvelle étude a analysé l'association entre le facteur rs9349379 présent au niveau du gène PHACTR1 et la SCAD. Au total, 1 055 patients et 7 190 sujets non malades provenant de quatre cohortes (France, du Royaume-Uni, des États-Unis et d'Australie) ont été étudiés. « Il s’agit de la plus grande étude jamais réalisée sur cette maladie qui n'est pas si rare », précise Nabila Bouatia-Naji.
L'analyse a mis en évidence une association significative entre la présence de la forme allélique A du rs9349379 et la SCAD, avec un risque de dissection spontanée de l'artère coronaire accru de 67 % chez les porteurs de ce facteur génétique.
Une seconde analyse a porté sur 459 patients SCAD, dont environ la moitié présentait également une dysplasie fibromusculaire. « L'association entre le variant et la SCAD était davantage marquée en l'absence de DFM, ce qui montre que ce facteur prédisposerait à ces deux pathologies de façon indépendante. Toutefois, ceci reste à confirmer au niveau moléculaire », explique Nabila Bouatia-Naji. Le risque de SCAD était augmenté de 90 % chez les patients sans DFM. Les mécanismes moléculaires et biologiques expliquant ce phénomène ne sont pas encore connus, mais font l'objet de recherches de l’équipe INSERM.
Carte génétique
Par ailleurs, des études précédentes ont montré que l'allèle G du même facteur rs9349379 était associé à un risque accru d'infarctus du myocarde classique (forme qui concerne dans 75 % des cas des hommes d’un âge avancé). Ces observations ont conduit à cette hypothèse : « il est probable qu'une fragilité artérielle se crée en présence de l'allèle A qui peut être protectrice en cas d'accumulation de lipides, mais ceci reste à démontrer au niveau cellulaire et moléculaire, avance Nabila Bouatia-Naji. La SCAD est une pathologie multifactorielle et polygénique. Notre objectif est de réaliser une carte génétique complète de la SCAD et de la DFM dans l'année qui vient afin de mieux comprendre les mécanismes spécifiques de ces maladies cardiovasculaires féminines. »
« Ces résultats devraient inciter les cardiologues à penser plus souvent à la dissection spontanée de l'artère coronaire afin d'adapter la prise en charge à cette population spécifique que sont les femmes jeunes », estime la généticienne, avant d'ajouter : « Cette étude qui vise à mieux comprendre cet infarctus féminin constitue ainsi une étape primordiale vers la médecine de précision chez les femmes. »
(1) D. Adlam et al., Journal of the American College of Cardiology, 73, Issue 1, 2019.
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