La question de la fertilité des femmes jeunes développant un cancer du sein et porteuses de variants BRCA1 ou BRCA2 est particulièrement épineuse. Cela, à la fois en raison de la crainte de transmettre le variant pathogène, les conséquences possibles de BRCA sur la réserve ovarienne, donc la fertilité, et enfin, l’indication éventuelle de salpingectomie bilatérale visant à réduire le risque de cancer de l’ovaire. S’y ajoutent les risques maternels et fœtaux : la charge hormonale liée à la grossesse peut éventuellement favoriser les récidives maternelles et l’exposition aux anticancéreux avoir un effet délétère sur le fœtus.
Jusqu’ici, si des études avaient montré la possibilité d’enfanter chez les survivantes à un cancer du sein, on disposait de fort peu de données concernant les femmes BRCA+. L’analyse d’une vaste cohorte internationale vient éclairer le débat (1). Elle montre que, globalement, une femme BRCA sur cinq a pu faire un enfant dans les dix ans après le diagnostic de cancer. Et ce, sans altération de la survie sans récidive ni problème fœtal. Des données rassurantes, qui montrent qu’une grossesse peut être envisagée après traitement chez certaines de ces jeunes femmes.
Une cohorte rétrospective de près de 5 000 femmes
La cohorte est fondée sur les données de 78 centres hospitaliers implantés sur tous les continents. Elle porte sur des femmes de moins de 40 ans ayant développé un cancer du sein invasif BRCA+ (variants BRCA1 et BRCA2) entre 2000 et 2020. Leur suivi porte jusqu’en 2023. Au total, 4 700 femmes d’âge moyen 35 [31-38] ans au diagnostic ont été incluses dans la cohorte. Le suivi médian est de 7,8 ans.
Les critères primaires sont l’incidence cumulée des grossesses dans les dix ans et la survie sans récidive après grossesse. La mortalité spécifique par cancer du sein, la survie totale, l’issue de la grossesse et l’état du fœtus constituent les critères secondaires.
Une incidence cumulée de 20 % de grossesses à dix ans
Parmi ces femmes, 659 ont eu au moins un enfant après ce diagnostic. À 10 ans, l’incidence cumulée de grossesse atteint globalement les 22 [21-24] %, avec toutefois des différences en fonction du statut hormonal de la tumeur. Chez les femmes à tumeurs hormonosensibles (RH+), l’incidence cumulée à dix ans plafonne en effet à 18 %, contre 22 % chez celles à tumeurs non hormonosensibles (RH-).
À noter, les femmes qui ont eu une grossesse étaient, comparativement aux autres, en moyenne plus jeunes au diagnostic, plus souvent porteuses de mutations BRCA1, de cancers sans envahissement ganglionnaire et dénué de récepteur hormonaux (RH-).
Le délai médian entre le diagnostic et la grossesse est de 3,5 [2,2-5,3] ans. Il est plus long chez les femmes RH+, chez lesquelles on atteint les 4,3 ans de délai médian, avec 40 % des grossesses intervenant au-delà de cinq ans après le diagnostic.
Malgré les antécédents de chimiothérapie – mise en œuvre chez près de 90 % de ces femmes – 80 % de ces grossesses étaient spontanées.
Et ces grossesses ne sont pas de mauvais pronostic. Au total, on a eu autour de 7 % d’avortements induits et de 10 % spontanés. Sur les 517 (80 %) qui ont pu mener leur grossesse, plus de 90 % des enfants sont nés à terme.
Seuls quatre nouveau-nés (0,9 %) sur les 470 dont le suivi a été documenté souffraient d’anomalies congénitales.
Pas de détérioration manifeste de la survie sans récidive
Au terme d’un suivi médian de 7,8 ans, il n’y a pas de différence significative en termes de survie sans récidive entre les femmes ayant eu une grossesse et celles n’en ayant pas eu : risque relatif non ajusté de RR = 0,97 [0,8-1,1], et de RR = 0,99 [0,81-1,20] après ajustement sur la région, le statut ganglionnaire, le statut hormonosensible ou pas et le type de chirurgie mammaire utilisée.
D’ailleurs, dans cette vaste cohorte, les femmes ayant eu une grossesse ont une mortalité spécifique par cancer du sein réduite de près de moitié (RR = 0,53 ; p < 0,001 ; RR ajusté = 0,60 ; p = 0,009). Il en est de même pour leur mortalité totale (RR = 0,52 ; p < 0,001 ; RR ajusté = 0,58 ; p = 0,005).
Une possibilité envisageable couplée à un suivi étroit
En pratique clinique, cette analyse apporte de nouveaux éléments rassurants sur la possibilité de grossesse après cancer du sein y compris chez des femmes BRCA. Sous réserve, comme le rappellent les auteurs, d’un suivi rapproché et d’une grossesse à distance au moins d’un an après la fin des traitements cytotoxiques, conformément aux recommandations. Dans cette cohorte, la majorité des grossesses (80 %) ont été initiées plus de deux ans après la fin de ces traitements.
(1) Lambertini M et al. Pregnancy after breast cancer in young brca carriers : an international hospital-based cohort Study. JAMA. 2024 Jan 2 ;331(1):49-59
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