Avec l’introduction du test de dépistage prénatal non invasif (DPNI) sur sang maternel, dans le cadre du dépistage de la trisomie 21 (T21) en France, de nouvelles questions éthiques sont apparues.
Le décret encadrant cette pratique demande de proposer à toutes les femmes une information loyale, claire et adaptée. Il faut donc dépasser la seule notification de l’acte de la prise de sang. Sa simplicité d’utilisation rend d’autant plus importante l’information aux patientes, afin qu’elles comprennent l’enjeu du dépistage des aneuploïdies.
Le test est très performant, proche d’un diagnostic, mais reste à considérer comme un dépistage. Il doit faire l’objet d’une consultation, avant et après, en insistant sur la signification d’un résultat positif ou négatif. Les professionnels ont dû, en peu de temps, s’approprier de nouvelles notions et subtilités de ce test. Par exemple, l’ADN fœtal dans le sang maternel est d’origine placentaire, ce qui peut expliquer les faux positifs, puisqu’une anomalie chromosomique peut être localisée au placenta et épargner le fœtus.
Le dépistage étant pris en charge, lorsque le niveau de risque est compris entre 1/1 000 et 1/51, toutes les femmes peuvent y avoir un égal accès. On pourrait scientifiquement le proposer en première ligne, mais cela coûterait cher à la société.
Pour mémoire, le dépistage de la T21 est une politique de santé publique en France depuis plus de 40 ans, qui permet aux patientes de choisir de garder ou non un enfant porteur, et aux familles qui le souhaitent de se préparer à accueillir un enfant différent. L’autonomie reproductive nous semble ainsi respectée pour chaque patiente, pourvu qu’elle ait bien compris les informations données. Aujourd’hui, nous ne disposons pas d’études françaises en la matière, mais l’accès à l’information est beaucoup plus simple, ce qui aide probablement à sa meilleure diffusion qu’au moment du passage du dépistage combiné.
Une diminution des autres diagnostics
Au niveau épidémiologique, la mise en place du DPNI pour le dépistage de la T21 a permis de réduire le nombre de prélèvement invasif et leurs complications, tout en augmentant le nombre de fœtus diagnostiqués porteurs de T21. Cependant, pour les anomalies des chromosomes sexuels, non recherchées par le DPNI, le nombre de cas diagnostiqués avant la naissance a été divisé par trois. D’autres anomalies chromosomiques, rares, pour lesquelles le fœtus ne présente pas de signe à l’échographie, sont également susceptibles d’être désormais moins diagnostiquées.
Il faut savoir que le DPNI s’est élargi au dépistage de nombreuses autres anomalies que la T21, avec des modalités d’utilisation très variables d’un pays à l’autre. En France, le décret n’interdit pas l’analyse des autres chromosomes mais n’en précise pas le cadre d’utilisation.
En Belgique et aux Pays-Bas, le DPNI whole genome (DPNI-WG) est proposé en première intention. Il permet de dépister les trisomies 13, 18 et 21, mais aussi les trisomies autosomiques rares et certaines délétions ou duplications. Les résultats sont parfois difficiles à interpréter. Une stratégie a été proposée récemment y pallier. Les résultats ne sont rendus que pour les délétions ou les duplications supérieures à 7 Mb et pour les trisomies qui peuvent ne pas être seulement confinées au placenta.
L’association des cytogénéticiens de langue française (ACLF) travaille sur de nouvelles recommandations qui devraient permettre d’homogénéiser l’utilisation de cette nouvelle technique.
Sachant que toutes les anomalies chromosomiques sévères ne sont pas nécessairement visibles à l’échographie, la question du dépistage isolé de la T21 par le DPNI se pose. On peut estimer qu’il est raisonnable de dépister ces anomalies sévères, pourvu que le test génère peu de faux positifs et donc de prélèvements invasifs supplémentaires. Les résultats de la mise en place du DPNI-WG en Belgique en première intention sont très attendus à cet égard. Mais il sera difficile de trouver un consensus européen, car les conceptions de l’autonomie, du consentement et du handicap varient d’un pays et d’une culture à l’autre.
Exergue : « Les conceptions de l’autonomie, du consentement et du handicap varient d’un pays et d’une culture à l’autre »
Service de gynécologie-obstétrique, AP-HP, hôpital Antoine Béclère, Université Paris Saclay, Clamart
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