Jusqu’ici, le dépistage prénatal de la trisomie 21 reposait, dans un premier temps, sur une analyse du risque à partir d’une prise de sang et d’une échographie (dépistage combiné du 1er trimestre avec mesure de la clarté nucale et dosage des marqueurs sériques) suivi, si celui-ci était estimé supérieur à 1/250, d’un examen invasif (amnio- ou choriocenthèse).
Le 17 mai dernier, la Haute Autorité de santé (HAS) a actualisé ses recommandations (1) et se positionne désormais pour que le dépistage prénatal non invasif (DPNI, lire encadré) soit proposé à toutes les femmes enceintes dont le niveau de risque de trisomie 21 fœtale est compris entre 1/51 et 1/1 000 à l’issue du dépistage combiné. Quant à celles dont le risque est supérieur à 1/50, la HAS recommande de proposer un caryotype fœtal d’emblée, en permettant toutefois la réalisation préalable d’un DPNI si tel est le souhait de la femme enceinte.
Après un premier rapport sur la faisabilité et l’utilité du DPNI de la trisomie 21, en population à risque (2), la HAS avait publié en avril le deuxième volet de son enquête, qui portait cette fois sur l’évaluation médicoéconomique de cette technique (3). Un travail élégant, qui a permis de tester différents scenarii avec des bornes de risque hautes et basses variables. Le scénario « DPNI en seconde intention, pour un risque entre 1/50 et 1/1 000 » est apparu comme le plus acceptable d’un point de vue médicoéconomique.
Environ 4 % des patientes, qui acceptent le dépistage, se situent dans le groupe à risque > 1/250. La réalisation du DPNI permettrait alors d’éviter théoriquement, dans cette population, 90 % des amniocentèses. Le dépistage combiné actuel permet le dépistage de 85 % des fœtus porteurs de trisomie 21, quant aux 15 % des cas qui ne sont pas détectés par le dépistage combiné actuel, 90 % d’entre eux se situent dans l’intervalle de risque entre 1/250 et 1/1 000.
Tout résultat de DPNI positif devra être contrôlé par un test invasif (Amniocentèse ou biopsie de trophoblaste). Enfin, pour les risques très élevés, au-delà de 1/50, la réalisation d’un DPNI n’est pas « rentable » puisque plus souvent positif et donc suivi d’une amniocentèse. « La CNAM tranchera quant au remboursement du DPNI dans cette dernière configuration, la HAS a laissé la porte ouverte. Il faudrait que les patientes puissent avoir le choix : il s’agit souvent de femmes plus âgées, qui sont passées par un parcours de PMA et ne veulent pas forcement prendre le risque d’une amniocentèse », explique la Pr Alexandra Benachi (Clamart).
Diminuer le recours aux gestes invasifs
« C’est un énorme progrès pour les patientes. Des données en cours de publication (4) montrent que, en population générale, un tel dépistage permettrait de réduire de 75 % le nombre d’amniocentèses pratiquées. Pour cette étude, nous avions proposé à 450 patientes de réaliser le même jour dépistage combiné et DPNI. À noter : dans le groupe à risque et avec un DPNI négatif (n=54), 8 fœtus présentaient des anomalies échographiques qui ont tout de même nécessité une amniocentèse », prévient le Pr Benachi, qui souligne que ce dépistage ne remplace pas les échographies biométriques et morphologiques (en cas d’anomalie, la procédure standard reste en vigueur et le DPNI n’est pas indiqué).
Ces recommandations vont dans le sens de celles de l’association de cytogénétique de langue française (ACLF) et du CNGOF, qui proposaient le DPNI aux femmes dont le risque se situait entre 1/250 et 1/1000, aux grossesses gémellaires, et aux couples dont l’un des membres est porteur d’une translocation 14/21, aux femmes ayant déjà eu une grossesse avec T21 (5).
Remboursement et contrôle qualité
Reste une dernière étape, le remboursement par la CNAM, afin de proposer cette nouvelle stratégie à toutes les patientes concernées. Le DPNI figure au référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) depuis mai 2016, il est à ce titre remboursé à 100 % quand il est effectué dans un hôpital public… Avec des délais de 3 semaines dans certains cas, contre 4 jours dans certains laboratoires privés. La HAS insiste aussi pour qu’un système d’assurance-qualité soit mis en place, « on pourrait se limiter aux laboratoires déjà autorisés à faire des analyses de génétique prénatale », précise la Pr Benachi, soulignant que l’Agence de Biomédecine sera en charge de ce suivi.
D’après un entretien avec la Pr Alexandra Benachi, chef du service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction, hôpital Antoine-Béclère, Clamart.
(1) HAS. 17 mai 2017. Trisomie 21 : la HAS actualise ses recommandations concernant le dépistage prénatal de la trisomie 21
(2) HAS. Septembre 2015. Les performances des tests ADN libre circulant pour le dépistage de la trisomie 21 fœtale
(3) HAS. Avril 2017. Place des tests ADN libre circulant dans le sang maternel dans le dépistage de la trisomie 21 fœtale
(4) Benachi A et Costa JM , en cours de publication
(5) ACLF et CNGOF. 2015. Recommandations pour le dépistage non invasif des anomalies chromosomiques fœtales (DPNI)
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