La séquence Trap (Twin Reverse Arterial Perfusion) ou « masse acardiaque » ou « masse acarde » est une complication rare des grossesses gémellaires monochoriales (GGMC), avec une prévalence de 2,6 %, soit 1/11 000 grossesses (1). La circulation reverse est assurée par une large anastomose arterio-arterielle et/ou veino-veineuse entre le jumeau sain dit « pompe » et la masse acarde (fig. 1). Le jumeau pompe assure la perfusion de la masse acarde, résultant en un taux de mortalité allant jusqu’à 55 %, due à sa défaillance cardiaque et la prématurité induite en rapport avec l’hydramnios (2).
Un diagnostic échographique plus précoce
Si le diagnostic échographique de la séquence Trap peut se faire dès le 1er trimestre de la grossesse, l’âge moyen de découverte est 18 SA (3). On visualise, lors d’une grossesse gémellaire monochoriale biamniotique (MCBA), une masse tissulaire de taille et contenu variables, présentant des logettes anéchogènes kystiques, parfois associées à des structures osseuses, telles que des vertèbres, des côtes ou des os longs, d’aspect souvent anormal, ainsi que des organes tissulaires, hépatiques ou pulmonaires (fig. 2). Le diagnostic positif se fait par la mise en évidence de la vascularisation rétrograde en doppler couleur, confirmant un flux afférant dans la masse avec un spectre doppler pulsé d’allure artériel (fig. 2).
Lorsque le diagnostic est posé, il est important de rechercher des anomalies morphologiques du jumeau pompe. La surveillance échographique régulière recherche des signes de décompensation cardiaque de celui-ci : cardiomégalie, épanchement péricardique, hydramnios, anasarque, augmentation du pic systolique de l’artère cérébrale moyenne (PS-ACM) au-delà de 1,5 MoM après 16 SA, index de pulsatilité de la veine ombilicale ou du ductus veinosus supérieur au 95e percentile, régurgitation tricuspide.
Un pronostic sombre sans traitement
Plusieurs issues sont décrites dans l’évolution de cette séquence Trap. L’arrêt spontané de la vascularisation de la masse acarde peut survenir dans 21 à 60 % des cas selon les auteurs, entre 11 et 18 SA (4,5) et cela peut occasionner la mort du jumeau pompe ou la survenue de séquelles neurologiques dans 61,1 % des cas (5). En l’absence de traitement, le décès du fœtus pompe peut survenir dans 51 à 85 % des cas (4).
Le traitement in utero de ces séquences Trap semble améliorer le devenir de ces grossesses. Classiquement, différentes techniques opératoires sont possibles après 16 SA : la coagulation extra-fœtale du cordon nourricier de la masse acarde à la pince bipolaire ou à la fibre laser, avec un taux de survie de 80 %, la photocoagulation laser des anastomoses sur la plaque choriale, avec un taux de survie de 67 %, le traitement intrafœtal par radiofréquence, avec un taux de survie de 80 %.
Actuellement, compte tenu du diagnostic plus précoce des séquences Trap, il est possible de réaliser une coagulation laser interstitiel par voie intrafœtale, entre 12 et 14 SA, avec un taux de survie de 92 % (6). Il s’agit d’une technique de réalisation relativement simple, sous anesthésie locale, à l’aide d’une fibre laser introduite par l’intermédiaire d’une aiguille 18 Gauge. La coagulation est réalisée au niveau de la portion intra-abdominale de l’artère ombilicale de la masse acarde, dans le but de neutraliser le flux sanguin afférant dans celle-ci.
Une décision personnalisée en centre expert
Le choix du traitement dépendra de la présentation et des conditions d’accès à la masse et également de l’expérience et de la disponibilité des différentes techniques dans le centre en charge de la patiente. Le traitement in utero peut être proposé soit à titre systématique, soit en cas de signes échographiques d’aggravation (décrits plus haut), témoignant de la mauvaise tolérance du jumeau pompe, ou lorsque le ratio de poids entre la masse acarde et le jumeau pompe dépasse 50 %, ce qui est corrélé à un mauvais devenir du jumeau pompe dans 50 % des cas (7).
Le terme optimal du traitement n’est pas encore clairement défini ; néanmoins, sachant que le taux de pertes fœtales entre 12 et 18 SA (date à laquelle on propose classiquement le traitement) est de 33 %, et compte tenu des bons résultats concernant le laser interstitiel (6) précoce, cette dernière technique semble très prometteuse.
Un essai clinique randomisé européen, Trap intervention study (TrapIST), est en cours afin d’évaluer l’apport du traitement précoce (12-14 SA) par rapport au traitement tardif (16-19 SA) dans le devenir des séquences Trap, en termes de survie après 34 SA du jumeau pompe.
Cette nouvelle option thérapeutique précoce nous invite à insister auprès de nos collègues réalisant des échographies fœtales de référer les patientes de manière précoce dans des centres de diagnostic prénatal, pour une expertise précoce et la proposition du traitement le plus adapté en fonction de chaque cas.
Exergue : Cette nouvelle option thérapeutique nous invite à insister auprès de nos collègues réalisant des échographies fœtales de référer les patientes de manière précoce dans des centres de diagnostic prénatal
Centre des grossesses multiples, Hôpital Femme Mère Enfant, Hospices Civils de Lyon, Université Claude Bernard Lyon 1 (1) van Gemert MJC, et al. Birt Defects Res A Clin Mol Teratol. 2015 Jul;103(7):641-32 (2) Moore TR, et al. Am J Obstet Gynecol. 1990 Sep;163(3):907-123 (3) Wataganara T et al. Prenat Diagn. 2020 Jul;40(8):958-65 (4) Lewi L et al Am J Obstet Gynecol. 2010 Sep;203(3):213.e1-213.e45 (5) Chaveeva P et al. Fetal Diagn Ther. 2014;35(4):267-796 (6) Tavares de Sousa M et al. Ultrasound Obstet Gynecol. 2020 Jan;55(1):47-97 (7) Weisz B et al. Ultrasound Obstet Gynecol Off J Int Soc Ultrasound Obstet Gynecol. 2004 May;23(5):451-5
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024