Pour le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), qui s’est exprimé à l’occasion de l’anniversaire de la loi Veil, adoptée le 20 décembre 1974, l’inscription en mars 2024 du droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG) dans la Constitution aurait dû être accompagnée de moyens pour assurer aux femmes une prise en charge adaptée partout en France. La loi stipule qu’il convient d’accorder aux femmes un rendez-vous dans les cinq jours suivant leur demande et de leur garantir des conditions optimales d’accompagnement et de prise en charge. Or, en pratique, « globalement, l’accès à l’IVG est assez facilité en France mais il existe une grande variation territoriale – notamment dans les déserts médicaux – et une inégalité liée au statut socio-économique de la patiente », souligne le Pr Aubert Agostini (CHU Marseille). Pourtant, l’IVG est prise en charge à 100 % et sans avance de frais dans quasiment toutes les situations.
Ni revalorisation, ni dotation aux établissements
Pour tenter de pallier ces difficultés d’accès, le nombre de soignants a été élargi, avec la possibilité pour les sages-femmes de pratiquer des IVG médicamenteuses et chirurgicales. « Le déploiement de la téléconsultation a aussi facilité l’accès à l’IVG médicamenteuse (sans dépasser 9 SA), ainsi que la mise en place de centres d’IVG sous anesthésie locale en dehors des murs des hôpitaux », rappelle le Pr Agostini, qui considère qu’il n’y a pas eu, après l’inscription de l’IVG dans la Constitution, à déplorer de pressions particulières du lobbying anti-IVG.
Mais les professionnels de santé concernés auraient souhaité que cette inscription s’accompagne d’une enveloppe pour financer des améliorations. « C’est le cas lorsqu’un plan cancer, ou autre, est lancé par le gouvernement. Pour l’IVG, rien n’a été prévu. Cela en fût de même lorsque le délai légal a été allongé, passant de 14 à 16 SA : ce changement n’a été accompagné d’aucun budget spécifique, par exemple pour que les centres s’équipent d’un échographe, ce qui est indispensable, dénonce le Pr Agostini. Conséquence : très peu d’établissements proposent une IVG tardive, ce qui demande de longs déplacements aux patientes concernées. »
Comme elle n’a pas été financée, très peu d’établissements proposent l’IVG tardive
Pr Aubert Agostini
La valorisation des acteurs de l’IVG n’a pas non plus été revue à la hausse (sur le plan statutaire et financier) et les établissements qui prennent en charge les IVG ne reçoivent aucune dotation dédiée. « Résultat, il n’est pas possible aux établissements privés de réaliser des IVG chirurgicales dans ces conditions, car le forfait – trop bas – leur ferait perdre de l’argent », déplore le Pr Agostini, ce qui là aussi conduit à restreindre l’offre.
Les IVG en chiffres
Selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees), dont les données sont fondées sur le Système national des données de santé (SNDS), 16,8 femmes sur 1 000 ont eu recours à une IVG en 2023, soit 243 623 IVG (versus 16,2 ‰ en 2022). Les taux de recours à l’IVG ont augmenté pour toutes les classes d’âge chez les femmes majeures, en particulier pour les 20-34 ans.
Dans les départements et régions d’Outre-mer (Drom), le taux de recours à l’IVG est deux fois plus élevé que dans l’Hexagone.
L’autorisation des IVG médicamenteuses en ville depuis 2005 a été un succès puisqu’elles représentent 79 % des IVG en 2023 ; 41 % d’entre elles sont réalisées en dehors des établissements de santé : 3 200 professionnels de santé en ville en ont réalisé au moins une, dont 1 208 sages-femmes et 902 gynécologues médicaux ou gynécologues obstétriciens.
Les IVG dites tardives (de 14 à 16 SA) représentent 1,5 % de toutes les IVG : « Elles sont soit le fait de femmes qui ne se savaient pas enceintes, soit le fait de difficultés d’accès à l’IVG, soit le fait d’une décision tardive », précise le Pr Agostini.
Entretien avec le Pr Aubert Agostini (CHU Marseille), président de la commission orthogénie du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF)

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