« La prévalence des mutilations génitales féminines et des excisions chez les filles de moins de 14 ans a nettement diminué dans la plupart des régions d’Afrique au cours des trois dernières décennies », indique une étude britannique publiée dans le British Medical Journal (BMJ) Global Health (1). La situation est néanmoins variable selon les pays. Si la pratique « est toujours omniprésente » en Irak ou au Yémen, le recul apparaît spectaculaire en Afrique de l’Est, 71,4 % en 1995 à 8 % en 2016. Le déclin est également marqué en Afrique de l’Ouest, passant de 73,6 % en 1996 à 25,4 % en 2017. En Afrique du Nord (Soudan et Égypte seulement, dans la mesure où l’excision n’est pas pratiquée au Maghreb), la pratique a régressé de 58 % en 1990 à 14 % en 2015.
La persistance de facteurs de risque
« Plusieurs facteurs sont à l’œuvre pour expliquer ce recul global », estime Isabelle Gillette Faye, sociologue et directrice du Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles féminines (GAMS), citant « l’éducation des filles et des garçons, l’évolution des législations dans les pays concernés, mais aussi les campagnes de sensibilisation nationale et internationale ».
Malgré ces résultats encourageants, les auteurs soulignent la persistance des facteurs de risque que sont le manque d’éducation, la pauvreté, les traditions culturelles, mais aussi la perception de l’excision comme une condition nécessaire pour le mariage. « Il faut attendre deux ou trois générations pour s’assurer que les programmes ont fait leurs preuves et que les progrès sont durables », juge Isabelle Gillette Faye.
La sociologue pointe également la possibilité, dans certains pays comme le Kenya ou l’Ouganda, d’un report de ces pratiques après l’âge de 15 ans. Les données utilisées pour l’étude portent en effet sur plus de 200 000 jeunes filles âgées de moins de 14 ans, sur la période de 1990 à 2017 dans 29 pays africains, ainsi qu’en Irak et au Yémen. Autre nuance apportée par la sociologue, « ces données sont établies sur une base déclarative. « Dans des pays où la loi interdit la pratique, comme le Sénégal, la Côte d’Ivoire ou la Guinée Conakry, on peut imaginer des sous-déclarations alors que les études ne s’accompagnent pas de vérification clinique », tempère Isabelle Gillette Faye.
Une « montée des intégrismes »
Les auteurs de l’étude insistent également sur la nécessité de poursuivre les efforts, notamment par le biais de campagne de prévention ciblée sur des thèmes culturels. Les résultats actuels pourraient en effet être menacés par « la montée des intégrismes », souligne la directrice du GAMS. « Une certaine lecture de l’Islam met sur le même plan l’excision et la circoncision, comme des éléments de purification », s’inquiète la sociologue. Les actions menées pour lutter contre ces phénomènes doivent ainsi répondre à une approche holistique. « À cet égard, le bon élève en Afrique est le Burkina Faso. Dès 1975, des messages de sensibilisation ont été diffusés à la radio dans les langues locales. Un numéro vert existe et peut déclencher une intervention des forces de l’ordre. En parallèle, un travail de convictions est mené auprès des leaders religieux et traditionnels. Toutes les formes de communication et de sensibilisation sont utilisées, jusqu’au théâtre », s’enthousiasme la sociologue.
(1) Pr Ngianga-Bakwin Kandala et al., « Secular trends in the prevalence of female genital mutilation/cutting among girls: a systematic analysis »
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