L'hydroxychloroquine ne semble pas efficace en prophylaxie du Covid-19 en post-exposition, selon une étude publiée dans « The New England Journal of Medicine » (1). Le Pr David Boulware, infectiologue à l’université du Minnesota (Minneapolis) et directeur de recherches internationales, a lancé dès le 16 mars cette première étude randomisée de prophylaxie post-exposition (PPE) du Covid-19 par hydroxychloroquine (HCQ) en Amérique du Nord.
L’hydroxychloroquine (HCQ) semble inhiber la réplication du SARS-CoV-2 in vitro, via plusieurs mécanismes. « Des études de cohortes, petites et non randomisées, ont suggéré que l’HCQ pourrait réduire ou même éliminer le risque de transmission secondaire au sein d'un même foyer», indiquent le Dr Boulware et son équipe dans l'étude.
L’étude américo-canadienne a été menée par internet, sans bourse gouvernementale. L’ajout d’azithromycine envisagé par l’équipe n’a pas reçu l’aval des autorités. Le diagnostic par PCR du Covid-19 était encore peu accessible hors hôpital.
« Les résultats publiés par Boulware et al. sont plus provocateurs que définitifs. Ils suggèrent que les bénéfices potentiels de l’hydroxychloroquine en prévention restent encore à déterminer », tempère dans un éditorial de la même revue (2) le Dr Myron Cohen, professeur de microbiologie, d'immunologie et d'épidémiologie et directeur de l’Institut de santé globale et des maladies infectieuses à l’université de Caroline du Nord (Chapell Hill, États-Unis).
Pour le Dr Robert Califf, fondateur de l’Institut de recherche clinique de Duke et ex-directeur de la Food and Drug Administration, qui dirige actuellement la stratégie et politique de santé d’Alphabet (Google, Verily), l’étude comporte « beaucoup de faiblesses » - on peut citer les données signalées par les patients, la non-observance thérapeutique et la petite taille - mais n’en demeure pas moins « un bel effort », qui, selon lui, mériterait d'être complétée par une évaluation virologique à l'avenir.
Dans les quatre jours post-exposition
Dans cet essai, quelque 821 participants, décrivant un contact à risque (élevé ou modéré) avec une personne atteinte du Covid-19 dans le cadre de leur profession (66 % de professionnels de la santé, 4 % autres) ou à domicile (30 %), ont reçu par courrier de l’HCQ ou un placebo (acide folique) dans les quatre jours suivant l’exposition. L’HCQ a été évaluée à une dose forte pendant cinq jours (800 mg et 600 mg après 6 à 8 heures, puis 600 mg/j pendant quatre jours).
Durant un suivi de 14 jours, 107 des 821 participants (13 %) ont développé un Covid-19 confirmé par PCR (n = 20) ou probable d’après les symptômes (n = 87). En comparant les deux groupes, 12 % des personnes traitées par HCQ (49/414) et 14 % de celles traitées par placebo (58/407) ont développé le Covid, une différence non significative.
Si les effets secondaires sont plus fréquents avec l’HCQ (40 % contre 17 %), il n’y a aucun effet sévère, ni arythmie ou décès. Parmi ces 107 participants avec Covid-19 qui sont tous assez jeunes (32 à 51 ans), seulement deux ont été hospitalisés, un dans chaque groupe.
La piste d'une prophylaxie dans les 48 heures
Les données analysées plus en détail suggèrent que le zinc ou la vitamine C n’apporte pas de bénéfice supplémentaire. Enfin, il convient de noter que si l’on considère les personnes débutant l’HCQ dans les deux jours suivant l'exposition, l’HCQ semble avoir un effet favorable : 9,6 % (17/177) de celles traitées par HCQ développent le Covid-19, comparé à 15,3 % (26/169) de celles sous placebo ; si l’HCQ est débutée dans les 24 heures d’exposition, 6,4 % (5/77) du groupe HCQ développent le Covid-19 contre 12,6 % (8/63) du groupe placebo.
« C’est très intéressant, non différent statistiquement, mais il y a peut-être quelque chose, en particulier avec les données du premier jour. Mais ces nombres sont très petits, cela pourrait donc être juste une variation aléatoire », confie au « Quotidien » le Pr Boulware. Au vu de ces résultats, le chercheur a alerté d’autres groupes menant des essais similaires pour leur suggérer d’envisager de limiter l’enrôlement dans les deux jours d’exposition. Le Pr Boulware ajoute que « ceci pourrait suggérer que la prophylaxie pré-exposition pourrait être efficace pour prévenir la maladie, même si notre étude de prophylaxie post-exposition n’a pas montré d’efficacité ».
(1) D. Boulware et al., NEJM, 10.1056/NEJMoa2016638
(2) M. Cohen, NEJM, 10.1056/NEJMe2020388, 2020
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