Quel a été l'effet du couvre-feu mis en place en Guyane entre juin et juillet ? Selon un travail prépublié dans medRxiv par des épidémiologistes de l'INSERM, de Santé publique France et de l'université d'Oxford, cette mesure a été décisive pour inverser la courbe des infections. Mais ces données ne sont pas pour autant directement transposables à d'autres territoires comme l'Île-de-France ou l'agglomération Aix-Marseille.
Les auteurs ont évalué l'efficacité de la stratégie régionale guyanaise basée, entre autres, sur un couvre-feu et des mesures de confinement ciblées. Ils concluent que la combinaison de ces mesures a réduit le taux de reproduction de base du virus de 1,7 à 1,1, soit un taux suffisamment bas pour éviter la saturation des services hospitaliers. Les chercheurs estiment que le couvre-feu est responsable à lui seul de la baisse de 36 % du taux de reproduction de base.
Dans ce travail, les scientifiques ont mis en place un modèle mathématique prenant en compte les différentes caractéristiques locales de l'épidémie, et notamment le fait qu'en Guyane une personne infectée par le SARS-CoV-2 a une probabilité d’hospitalisation d'environ 1,1 % contre 3,5 % en France métropolitaine. Comme dans le reste du pays, la Guyane française a connu un confinement total entre le 17 mars et le 11 mai. Un couvre-feu a été établi tous les jours entre 23 heures et 5 heures du matin, dans toute la Guyane à l'exception de la ville de Saint Georges, frontalière avec le Brésil, où un confinement total a été maintenu.
Un reconfinement trop destructeur pour être retenu
À partir du 10 juin, le couvre-feu est devenu généralisé, de 21 heures à 5 heures du matin, avant d'être encore étendu de 19 heures à 5 heures du matin à partir du 18 juin. Dans le même temps une campagne de dépistage a eu lieu : 1 300 tests pour 100 000 personnes par semaine. Les mesures de couvre-feu n'ont commencé à être levées qu'à partir du 25 juillet.
« L'impact sur les hospitalisations de telles mesures ne peut être correctement évalué que deux à trois semaines après leur implémentation », explique les auteurs. Dans l'intervalle, le nombre de cas a augmenté dans la région ultramarine et les autorités ne savaient pas si la politique mise en place était en train de porter ses fruits.
Aussi ont-ils prévu des scénarios alternatifs comme la mise en place d'un nouveau confinement total de 10 jours. Selon leurs modélisations, une mesure aussi drastique aurait diminué le besoin en lits d'hospitalisation de 454 à 256 (si elle commençait le 27 juin) ou à 345 (si elle commençait le 4 juillet). Le nombre de lits nécessaires en réanimation aurait quant à lui dû lui aussi diminué, passant de 110 à 63 (27 juin) ou à 84 (4 juillet). Néanmoins, et compte tenu de l'effet économique et social attendu, l'hypothèse d'un reconfinement a été finalement écartée.
Et en Métropole ?
Le couvre-feu décidé dans Paris, l'Île-de-France et dans 8 autres métropoles aura-t-il la même efficacité ? Rien ne permet de l'affirmer ! En Guyane, ces mesures ont été favorisées par la démographie particulière régionale, caractérisée par une population plus jeune qu'en Métropole (27 ans d'âge médian contre 42). Cette dernière caractéristique à elle seule diminue de 70 % le risque d'hospitalisation.
« Il est très important de prendre en compte l'âge de la population dans les simulations, concluent les auteurs. Dans une population plus âgée, il est probable que la pression sur le système de santé augmente plus tôt au cours de l'épidémie, ce qui justifierait une mise en place plus précoce du couvre-feu, quand la prévalence de la population est encore faible. » De plus, le couvre-feu a été mis en place à un stade avancé de l'épidémie, puisqu'on estime que 20 % de la population avait déjà été infectée dès le mois de juillet.
La stratégie du couvre-feu pourrait réduire la pression sur l'hôpital, de différentes façons et pas seulement via le contrôle de l'infection à SARS-CoV-2. Au cours d'une audition récente devant la mission du Sénat d'évaluation des politiques publiques de réponse aux pandémies, le Pr Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France, a indiqué que des retours d'expérience montrent que les couvre-feux réduisent la traumatologie nocturne, et donc la pression non-Covid sur les services d'urgence hospitalières.
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