Pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents, l’épidémiologie des endocardites infectieuses, particulièrement bien connue en France grâce aux études de cohortes prospectives coordonnées par l’Association pour l’étude et la prévention des endocardites infectieuses (AEPEI), a connu les évolutions suivantes :
1) le vieillissement de la population à risque, lié à la quasi-disparition des cardiopathies rhumatismales du sujet jeune, et à l’émergence d’endocardites liées aux soins, chez des sujets présentant des comorbidités, et une valvulopathie dégénérative souvent découverte à cette occasion (étude AEPEI 1999) ;
2) plus récemment (AEPEI 2008), l’inversion de la hiérarchie des principaux pathogènes, Staphylococcus aureus ayant détrôné les streptocoques oraux, terme générique qui remplace progressivement les appellations « groupe viridans », alphahémolytiques, ou streptocoques non groupables.
Prévention : des stratégies thérapeutiques bouleversées
Du côté de la prévention, on a assisté à un bouleversement des paradigmes : le changement de l’épidémiologie des endocardites, les efforts déployés pour un usage plus raisonné des antibiotiques, et la démonstration de la banalité des épisodes de bactériémies dans les gestes de la vie courante (30 % après un simple brossage des dents, avec isolement de streptocoques oraux dans la moitié des cas), ont mis en évidence l’impact faible (voire nul), des recommandations d’antibioprophylaxie spécifiques pour l’endocardite. Le Royaume-Uni a totalement abandonné toute antibioprophylaxie ciblée de l’endocardite, tandis que d’autres, comme la France et les États-Unis, ont restreint cette antibioprophylaxie, désormais proposée uniquement aux patients à haut risque d’endocardite (antécédent d’endocardite, ou prothèse valvulaire, ou cardiopathie congénitale non opérée), et uniquement pour des gestes buccodentaires exposant au risque de bactériémie. L’avenir dira peut-être quelle stratégie était la meilleure…
Les avancées de la microbiologie et de l'imagerie
Les progrès diagnostiques ont essentiellement porté sur la microbiologie, qui a permis de diminuer drastiquement la proportion d’endocardites qui restent non documentées (<5 % dans les dernières cohortes), grâce notamment à des sérologies affinées, et à un recours plus fréquent à la chirurgie de remplacement valvulaire (presque la moitié des endocardites infectieuses à la phase aiguë), ce qui permet de disposer de matériel tissulaire pour des tests de biologie moléculaire (PCR), peu perturbés par la prescription préalable d’antibiotiques.
Les nouvelles techniques d’imagerie ont également connu un développement foisonnant, notamment l’imagerie cardiaque (enrichie de tomodensitométrie et d’IRM) et le TEP Scan (tomographie par émission de positrons), mais la place de ces progrès technologiques n’est pas encore parfaitement établie, l’échocardiographie restant le gold standard.
Évolution et développement des thérapies
Enfin, la thérapeutique évolue également, même si les premières lignes de traitement des principaux pathogènes responsables d’endocardite restent comparables à ce qu’elles étaient il y a 60 ans, reposant principalement sur les pénicillines ou, en cas de résistance ou d’allergie, sur la vancomycine. Il faut signaler néanmoins la diminution progressive des exigences en ce qui concerne les aminosides, qui ne sont plus recommandés pour les endocardites à staphylocoque sur valve native, et ont vu leur durée drastiquement réduite pour les endocardites à entérocoques (2 semaines suffisent, comme ça a été bien démontré par différentes équipes scandinaves).
Des études cliniques randomisées de grande envergure sont en cours, ou planifiées à court terme en France, souvent ambitieuses, qui permettront de progresser encore pour cette pathologie fascinante, et dont la mortalité intrahospitalière reste, en moyenne, de 20 %. Les questions posées portent notamment sur la possibilité d’un relais per os pour la fin du traitement des patients qui vont bien, ou sur les indications chirurgicales.
L’endocardite n’a pas fini de livrer tous ses secrets !
Pathologie infectieuse et tropicale, clinique et biologique. Hôpital Pontchaillou, CHU Rennes
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