Ses recommandations de prise en charge de la borréliose de Lyme de 2018 avaient fait grand bruit, en étant désavouées en partie par les sociétés savantes et les associations de patients. La Haute Autorité de santé (HAS) les actualise ce 18 février 2025 à la lumière des nouvelles données scientifiques et dans un climat beaucoup plus consensuel. « Le groupe de travail (GT) coordonné par la HAS regroupait plusieurs sociétés savantes et plus d’un tiers d’associations de patients, ce qui a permis d’obtenir un consensus scientifique », indique au Quotidien la Dr Alice Raffetin, à la tête du GT. Dans le prolongement du guide de parcours de soins de 2022, qui précise l’articulation entre médecin traitant et centres de compétence (CC) et de référence (CR), ce travail vise à « lutter contre l’errance médicale » des patients et d’harmoniser les pratiques médicales, indique la HAS.
La borréliose de Lyme (BL) est due à une infection par Borrelia burgdorferi sensu lato, bactérie transmise lors d’une piqûre de tique appartenant au genre Ixodes. Si le risque de transmission est faible (1 à 4 %), la borréliose de Lyme est la maladie vectorielle médiée par les tiques la plus fréquente de l’hémisphère Nord. En France, le taux d’incidence annuel de la BL est estimé à 51 cas pour 100 000 habitants en 2022, selon Santé publique France, un niveau stable depuis 2016.
Un trépied diagnostique pour les formes disséminées
En matière de prévention et de diagnostic, pas de bouleversement, mais des clarifications. « Nous rappelons notamment le rôle de l’individu pour détecter une piqûre et enlever la tique : ce n’est pas un geste médical », précise la Dr Raffetin, par ailleurs coordinatrice du centre de référence des maladies vectorielles à tiques (CRMVT) de Villeneuve-Saint-Georges. Il est aussi rappelé qu’on ne prescrit pas d’antibiothérapie en prophylaxie après une piqûre.
En matière de diagnostic, ces recommandations confirment la place centrale de l’évaluation clinique notamment devant la forme localisée précoce, appelée érythème migrant (EM), qui survient dans la majorité des cas (80 %), et ceci dans les 30 jours après la piqûre. Pour aider les praticiens, ce travail intègre des photos de l’EM, mais aussi des autres affections cutanées : lymphocytome borrélien et acrodermatite chronique atrophiante.
Plus tardivement, des manifestations neurologiques (neuroborréliose, NBL) ou rhumatologiques peuvent se déclarer, voire plus rarement, des atteintes cardiaques ou ophtalmologiques.
Face aux formes disséminées, c’est-à-dire toutes les manifestations cliniques développées à distance de la piqûre de tique (< 6 mois = disséminée précoce ; > 6 mois = disséminée tardive), la HAS élabore un algorithme d’aide au diagnostic à partir du trépied : exposition aux tiques, signes cliniques évocateurs et sérologie de Lyme positive.
« La sérologie en deux temps (technique immuno-enzymatique – Elisa ou apparentée puis, en cas de positivité, une confirmation par une technique d’immuno-empreinte – Western-Blot, NDLR), est toujours la base du diagnostic de Lyme mais elle ne suffit pas à elle-même et doit toujours être articulée avec l’exposition aux tiques et l’apparition de signes cliniques », résume la Dr Raffetin.
Les indications de la ponction lombaire ont été précisées dans les neuroborrélioses. Est aussi pris en compte un nouveau test, le dosage de CXCL13 dans le liquide céphalo-rachidien, pertinent en seconde intention en cas de doute diagnostique d’une neuroborréliose précoce (< 6 semaines), quand la sérologie est négative.
Faciliter la prescription d’antibiothérapie par les médecins généralistes
La HAS a aussi fait un effort de clarification pour exposer les traitements, leur posologie et durée, pour les enfants et les adultes. « La doxycycline, l’antibiotique le plus fréquemment prescrit dans la maladie de Lyme, est maintenant autorisée chez l’enfant, quel que soit l’âge, et chez les femmes enceintes », ce qui n’était pas le cas en 2018, souligne la Dr Raffetin. L’amoxicilline constitue l’alternative de première intention à privilégier, l’azithromycine n'est positionnée qu’en seconde alternative, et les céphalosporines de 3e génération parentérale sont réservées aux formes disséminées le plus souvent en seconde intention.
Autre nouveauté : « pour une maladie de Lyme possible, mais non prouvée, lorsque l’un des trois critères diagnostiques manque, une antibiothérapie d’épreuve peut être proposée, par ou en coordination avec un CC-MVT ou CR-MVT », met en avant la spécialiste. « Ces cas sont colligés dans la cohorte nationale gérée par les centres de référence, ce qui devrait permettre d’avoir des données sur ces patients sujets à l’errance médicale, en raison d’un diagnostic délicat à poser », précise-t-elle. De même, cette cohorte concentrera les données sur les patients qui présentent des atteintes articulaires ou neurologiques complexes, afin de mieux comprendre leur évolution et leur traitement, avec si besoin la prescription d’une seconde ligne d’antibiotique en CC ou CR-MVT, après discussion collégiale.
Reconnaissance du « Syndrome post borréliose de Lyme traitée »
En 2018, la HAS s’était attiré les foudres des sociétés savantes en consacrant un chapitre au SPPT, pour « symptomatologie/syndrome persistant(e) polymorphe après une possible piqûre de tique », « un ensemble de symptômes mal défini, qui n’existe pas dans la littérature médicale internationale et qui pourrait conduire à des excès de diagnostics susceptibles d’orienter les patients vers des prises en charge inadéquates », selon la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF).
En 2025, la HAS reprend la dénomination internationale de PTLDS, post-treatment Lyme disease syndrome ou syndrome post-borréliose de Lyme traitée, pour désigner un ensemble de symptômes non spécifiques (fatigue invalidante, douleurs musculosquelettiques, troubles cognitifs, etc.) se prolongeant pendant plus de 6 mois après la fin d’un traitement par antibiothérapie bien conduit d’une borréliose de Lyme prouvée. Le PTLDS toucherait entre 6 à 20 % des patients traités pour une BL en Europe.
Les causes sont en revanche toujours mal connues. Parmi les hypothèses, figurent la dysrégulation immunitaire conduisant à une inflammation chronique et/ou à l’apparition d’auto-anticorps, l’altération du microbiote bactérien, viral et fongique, la persistance du pathogène ou de fragments antigéniques ou encore des mécanismes de sensibilisation neurologique et/ou psychologique.
Aucun test diagnostique spécifique n’existe à ce jour et seul l’interrogatoire du patient peut permettre d’établir un lien entre les symptômes présents et une borréliose de Lyme antérieure traitée. En cas de suspicion de PTLDS, le patient est adressé de préférence à un CC-MVT ou CR-MVT, qui pourront notamment proposer un accompagnement psychologique (thérapie-cognitivo-comportementale) ou encore une réadaptation physique.
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