« Les outils sont enfin au point. On a transformé l’innovation thérapeutique en réalité de terrain, on a fait le lien entre le monde de la recherche et de l’innovation et les populations affectées. On a corrigé les barrières à l’accès que formait le prix, la qualité, la formulation des médicaments », se félicite le directeur exécutif adjoint d’UNITAID le Dr Philippe Duneton.
Et de poursuivre : « On a démontré avec la plus grande initiative mondiale pour l’autodépistage du VIH qu’une approche novatrice du diagnostic permettrait d’atteindre les cibles ambitieuses des 90-90-90 : 90 % des personnes vivant avec le VIH peuvent connaître leur statut sérologique, 90 % des personnes diagnostiquées séropositives peuvent être sous traitement et 90 % des personnes sous traitement peuvent avoir une charge virale indétectable. On avance sur la maîtrise des co-infections et des résistances aux traitements. On sait prévenir la transmission de la mère à l’enfant, on peut traiter les enfants, on fait sortir la prévention du tout préservatif, avec de nouvelles stratégies comme la PrEP (prophylaxie pré-exposition), ou la circoncision masculine à l’échelle collective (30 % de réduction des risques). De surcroît, comme l’a montré le Pr Michel Kazatchkine, on est aujourd’hui en capacité de mesurer l’impact de ces nouveaux moyens avec des modèles précis. Des modèles qui permettent de situer l’objectif de la première génération sans sida à l’horizon 2030. C’est demain ! »
La lutte s'essouffle
Sauf que, si proche du but, l’issue de la lutte, mondialement, se fait incertaine. « Un effet plateau est survenu, observe le Dr Philippe Duneton. L’essoufflement se fait sentir parmi les principaux acteurs la lutte contre le sida. UNITAID, Fonds mondial, USAID, CHAI (Initiative de santé du président Clinton), sont contraints de revoir leurs budgets à la baisse. Après la crise financière des subprimes de 2008, qui les avait impactés, c’est le repli sur soi qui rapatrie les priorités des pays industrialisés à l’intérieur de leurs frontières et met en berne l’effort de solidarité internationale et les impératifs de l’aide au développement. Cette posture anti-mondialisation, cette priorité donnée à l’intérieur en refusant de regarder à l’extérieur est d’autant plus absurde que jamais les menaces de circulation mondiale des épidémies (SRAS, Zika, ou autres) ne se sont faites aussi pressantes. » De ce point de vue, la politique américaine envoie des signaux redoutables pour la santé publique mondiale.
Vingt ans après
Longtemps la France a assuré un rôle de leadership dans la mobilisation internationale. « Il y a vingt ans, rappelle le directeur exécutif d’UNITAID, le 7 décembre 1997, Jacques Chirac prononçait devant la Conférence d’Abidjan sur les maladies sexuellement transmissibles et le sida, un discours qui a marqué un tournant mondial. C’était l’époque où les médicaments étaient au Nord et la maladie au Sud. Dans un scepticisme général, alors qu’on soulignait que l’absence d’accès à l’eau potable et d’un système de santé minimum ruinait tout espoir de combattre le cataclysme épidémique, le président français exprimait "une parole d’indignation et de révolte devant la souffrance, parce que l’humanité ne peut accepter l’aggravation d’un fléau (…) qui s’abat par priorité sur les plus vulnérables. »
Alors que dans les pays développés les multi-thérapies redonnaient espoir, Chirac refusait alors d’accepter qu’il y ait « deux façons de lutter contre le sida : en traitant les malades dans les pays développés, en prévenant seulement les contaminations au Sud ». L'ancien président de la République « en appelait alors solennellement à la mobilisation des grands pays industrialisés pour coordonner toutes leurs actions, soutenir les associations et engager l’industrie aux côtés de la communauté internationale. Cet appel à une coalition d’efficacité entre tous les acteurs de combat a constitué un acte fondateur, créant une dynamique mondiale parmi les États (G7), les chercheurs, les patients, leurs associations activistes et les industriels », rappelle le Dr Duneton. L'ONUSIDA, le Fonds Mondial, UNITAID, la Fondation Bill & Melinda Gates, l'USAID « ont catalysé leurs moyens et leurs efforts, cependant que des modes de financements innovants inventaient des ressources nouvelles, quasiment indolores », souligne le directeur exécutif adjoint d’UNITAID.
En second plan des priorités
Vingt ans après, la France garde son leadership, premier contributeur d’UNITAID, 2e contributeur du Fonds mondial. Mais elle rabote nettement ses engagements financiers (100 millions de dollars pour UNITAID en 2016, contre près de 110 millions en 2015). Évoquant l'aide au développement, le 20 septembre à la tribune de l’ONU, le président Emmanuel Macron a d’abord lancé un appel à la reconstitution du partenariat mondial pour l’éducation. « La deuxième priorité, a-t-il poursuivi, c’est d’investir dans la santé, dans la lutte contre les grandes pandémies et contre la malnutrition, parce qu’aucun espoir n’est permis quand on ne peut se former ni se soigner. » Le sida n’est pas, n’est plus nommé.
Dans les médias et sur les réseaux, l’urgence anxiogène de la lutte contre le réchauffement relègue à l’arrière-plan les urgences de la santé publique mondiale. « On oublie l’interdépendance des problématiques de l’environnement et de la santé, alors que leurs enjeux sont étroitement liés, regrette le Dr Duneton. Aujourd’hui, la lutte contre le sida n’est pas qu’une aventure médicale, c’est aussi une bataille politique et sociale, ainsi que le souligne le thème retenu par l’ONUSIDA pour la Journée mondiale, "Ma santé, mes droits". » Le droit à la santé dépasse la question de l’accès à des services de santé et des médicaments de qualité, il dépend des systèmes d’assainissement, des conditions de logement, de travail, de justice et d’environnement, rappelle l’ONUSIDA. « Alors que les moyens médicaux sont réunis, le champ de bataille s’élargit mais la démobilisation menace. Nous sommes à la croisée des chemins, prévient Philippe Duneton. Il faut tirer la sonnette d’alarme. »
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