Médecin coordonnateur en EHPAD à Montrevel et Foissiat, comme de nombreux confrères et nos équipes soignantes, je suis très inquiet de l’évolution de nos résidents. Depuis six semaines, après avoir établi une grille d’évaluation portant sur les signes annonciateurs de syndrome de glissement, nous suivons l’évolution de chacun d’entre eux, sur les critères physiques, cognitifs, et psychologiques de ce syndrome. L’évaluation est faite toutes les deux semaines. Et comme redouté, nous constatons les effets délétères du confinement.
La situation devient alarmante. Aussi bien pour nos protégés que pour les soignants, qui vivent de plus en plus difficilement ce que nous considérons comme une forme de maltraitance. La relation de confiance établie au fil du temps de façon tripartite entre résidents, familles et soignants est mise à mal, face aux mesures de confinement instituées et maintenues dans nos établissements, alors qu’à l’extérieur on revient à une situation quasi-normale.
Avons-nous le droit, sous prétexte de protéger la communauté, de détruire ces vies en les privant de toute raison de vivre ? Comment expliquer aux résidents et aux familles que « dehors » on peut se réunir autour d’une table sur une terrasse de café, et qu’en EHPAD les visites soient limitées et réglementées à ce point ? Comment accepter, pour nous soignants, de voir notre rôle basé sur la confiance que nous offrent résidents et familles, ramené à celui d’un surveillant de parloir ?
Il est urgent d’assouplir réellement les conditions du déconfinement dans nos établissements, sous peine de déclencher ce qui pourrait être une « deuxième vague ». Nous ne pouvons plus entendre ces mots qui reviennent de plus en plus souvent dans le discours de nos protégés : « À quoi bon vivre si je ne peux plus voir mes enfants et mes petits enfants ». Nous ne pouvons plus remplir notre mission de soignants contre leur gré.
Un communiqué de presse paru lundi 1er juin nous annonçait un assouplissement des visites des familles dans les EHPAD. La réalité est autre, puisqu’en prenant connaissance des directives officielles on constate que les contraintes restent quasiment identiques à ce qu’elles étaient depuis un mois. Le seul changement véritable étant que les rares visites en chambre pourront se faire à deux… Le tout restant bien entendu demandé dans le respect de contraintes a minima… Et sous la responsabilité de la direction et du médecin coordonnateur. Je vous laisse imaginer la « douche froide » reçue par nos protégés, leurs familles, et les soignants.
Peut-on ainsi jouer avec la santé de tous, résidents, familles et soignants, à coups d’effets d’annonces purement politiciennes ? La réponse semble être oui dans l’esprit de nos dirigeants. Et le silence des élus et des médias n’est que complicité. Il y a urgence. Allez vous laisser partir ceux qui sont nos racines, qui ont combattu pour notre liberté, qui ont construit notre beau pays, sans les laisser revoir leurs enfants ?
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