Anosmie, perte de conscience, accidents vasculaires cérébraux… Les effets neurologiques du Covid ont été bien documentés en deux ans de pandémie. Néanmoins, des zones d'ombre demeurent quant aux effets directs sur le cerveau. Des chercheurs de l’université d’Oxford décrivent dans « Nature » les modifications cérébrales observées à l'IRM chez des patients ayant eu une forme légère de Covid-19 (1), en particulier au niveau des régions olfactives.
Grâce à la base de données UK Biobank, 785 participants ont été inclus dans l'étude longitudinale. « Il s'agit de la première étude de neuro-imagerie réalisée sur une cohorte aussi grande dans le Covid, commente Vincent Prévot, directeur de recherche Inserm en neuro-endocrinologie et neurosciences à Lille. Ce grand nombre de participants a permis d'observer des changements de manière beaucoup plus subtile, et de façon plus significative, que dans les études antérieures, principalement des études de cas. »
Cette nouvelle étude se distingue aussi du fait que les chercheurs ont eu accès à des données d'imagerie pré- et post-infection et par le fait que 96 % des participants de l'étude ont développé une forme bénigne de Covid, alors que la plupart des études ont porté sur des cas hospitalisés.
Réduction de la taille du cerveau
« Initialement, les participants ont été recrutés dans le cadre du suivi de l'évolution du cerveau », précise Vincent Prévot. Dans ce cadre, une première IRM a été réalisée avant la pandémie. Environ trois ans se sont écoulés en moyenne avant la réalisation de la seconde IRM ; à ce moment-là, l'âge moyen des participants était de 51 à 81 ans.
Entre les deux examens, 401 individus ont été testés positifs pour le Covid. Un délai moyen de 141 jours a été rapporté entre le diagnostic et la seconde IRM. À noter que seuls 15 patients (4 %) ont été hospitalisés pour leur Covid. Le groupe contrôle était constitué de 384 individus non infectés, appariés selon l'âge, le sexe et plusieurs facteurs de risque comme le tabagisme ou le statut socio-économique.
« Nous avons constaté que le cerveau des participants qui avaient été infectés présentait des changements entre leurs deux scans qui étaient différents des changements observés chez les participants non infectés. Les participants infectés ont montré une plus grande perte de matière grise, ainsi que de plus grandes anomalies dans le tissu cérébral », résume Gwenaëlle Douaud, première auteure. Ces différences ont été surtout retrouvées au niveau des aires olfactives. Des modifications globales du cerveau ont également été rapportées, avec une diminution plus importante de la taille du cerveau chez les participants ayant été infectés.
Des modifications accentuées avec l'âge
Les chercheurs ont quantifié ces changements : ils estiment que les individus infectés présentaient une perte cérébrale ou des lésions tissulaires de l'ordre de 0,2 à 2 % supplémentaires (selon les régions du cerveau) par rapport aux non-infectés. « Pour donner un sens à l'importance de ces effets, il convient de les replacer dans le contexte de ce qui se passe lors d'un vieillissement en bonne santé : il a été démontré précédemment que les gens perdent chaque année environ 0,2 à 0,3 % de matière grise dans les régions liées à la mémoire », souligne Gwenaëlle Douaud.
Des tests cognitifs simples ont par ailleurs été réalisés et ont montré un déclin plus important entre les deux séries d'examen chez les personnes qui ont eu le Covid. « Les participants devaient connecter des lettres ou des chiffres entre eux par un dessin. Ceux qui ont eu le Covid étaient beaucoup plus lents à réaliser ces tâches, détaille Vincent Prévot. Dès 62 ans, les patients mettaient 10 à 40 % de temps en plus. »
Tous ces changements, aussi bien à l'imagerie que sur le plan cognitif, étaient en effet davantage marqués chez les patients les plus âgés. De plus, ils ont été retrouvés même après exclusion des 15 cas hospitalisés.
L'effet de la vaccination reste à étudier
Par ailleurs, parmi les sujets non infectés, 11 ont développé, entre les deux examens d'imagerie cérébrale, une pneumonie non liée au Covid et 5 une grippe avec inflammation élevée. Ce qui a permis un autre constat. « Chez ces patients, l'IRM cérébrale était beaucoup plus proche de ce qui était observé chez les patients non infectés, souligne le chercheur. Cela suggère qu'une infection des bronches ou une inflammation ne seraient pas la cause principale des altérations cérébrales. »
Les causes de ces anomalies ne sont pas encore identifiées. Les symptômes des patients n'étaient pas connus, or l'anosmie pourrait jouer un rôle dans ces changements. « Une autre explication pourrait être l’effet du virus lui-même, soit parce qu’il envahit le cerveau, soit parce qu’il provoque une neuro-inflammation ou des réactions neuro-immunitaires », explique Gwenaëlle Douaud.
Les modifications du cerveau liées au Covid ont pu être observées en moyenne jusqu'à 4,5 mois après l'infection. Mais sont-elles réversibles ? « Il est possible que le fait de recouvrer l'odorat conduise à ce que ces anomalies cérébrales deviennent moins marquées au fil du temps. De même, il est probable que les effets nocifs du virus diminuent avec le temps après l'infection », avance Gwenaëlle Douaud, évoquant de petites études qui ont montré une amélioration à l'imagerie cérébrale plus de six mois après l'infection. Dans l'article, les auteurs soulèvent néanmoins la possibilité « de conséquences à plus long terme du Sars-CoV-2, qui pourrait contribuer à la maladie d'Alzheimer ou à d'autres formes de démence ».
« Dans une étude que mon équipe a réalisée avec nos collègues allemands (2), nous avons montré que le virus était capable d'attaquer les cellules endothéliales du cerveau, créant des microhémorragies et des hypoperfusions, rapporte Vincent Prévot. Les études chez le hamster ont néanmoins montré que ce phénomène était réversible, même s'il fragilise le cerveau. »
D'autres questions restent encore sans réponse, en particulier concernant le potentiel effet protecteur de la vaccination. Les patients ayant été inclus avant mai 2021, peu d'entre eux étaient vaccinés. Par ailleurs, au cours de la période d'étude, les individus ont été infectés par la souche originale ou les variants en circulation à partir d'octobre 2020 au Royaume-Uni, c'est-à-dire Alpha, Bêta et Gamma (l'Alpha étant majoritaire). Les effets des variants Delta et Omicron n'ont donc pas été étudiés. Un suivi à plus long terme permettra certainement d'apporter des éclairages.
(1) G. Douaud et al., Nature, 2022. doi: 10.1038/s41586-022-04569-5
(2) J. Wenzel et al,. Nature Neuroscience, 2021. doi.org/10.1038/s41593-021-00926-1
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