La principale cause de mortalité chez les patients atteints du Covid-19 est une insuffisance respiratoire hypoxique liée au syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA). Une étude autopsique des poumons a montré des différences entre le SDRA du Covid-19 et celui de la grippe.
Selon le Dr Steven Mentzer, chirurgien thoracique au Brigham and Women’s Hospital à Boston et principal auteur de l’étude publiée dans « The New England Journal of Medicine » (1), ces nouveaux résultats contribuent à expliquer pourquoi certains patients atteints du Covid-19 arrivent à l’hôpital avec un taux d’oxygénation du sang dangereusement bas alors qu’ils semblent bien le supporter. Les principaux dommages causés par le virus ne semblent pas être dans les alvéoles et les parois des poumons, mais dans les vaisseaux sanguins, révèle l'étude.
L’équipe internationale composée d'Allemands, de Belges, de Suisses et d'Américains a examiné sept poumons prélevés lors de l’autopsie de patients décédés du Covid-19. Dans ce travail, les chercheurs les ont comparés à sept poumons provenant de patients décédés en 2009 d’un SDRA lié à une grippe A (H1N1) ainsi qu’à dix poumons sains de témoins appariés pour l’âge.
Pour l'étude histologique, les scientifiques ont fait appel à des techniques de pointe telles que l’immunohistochimie à sept couleurs, la microscopie électronique de balayage, l’imagerie microscanographique et le moulage vasculaire (« corrosion casting »). Les chercheurs ont aussi analysé l’expression des gènes dans les cellules pulmonaires.
Une angiogenèse 30 fois supérieure à la normale
Comme dans le SDRA lié à la grippe, les poumons des patients décédés du Covid-19 montrent une atteinte alvéolaire diffuse avec une infiltration inflammatoire périvasculaire et des signes de thrombose. Cependant, les poumons du Covid-19 se distinguent par une atteinte vasculaire sévère. Les cellules endothéliales tapissant les vaisseaux sanguins sont endommagées et infectées par le virus perdant contact entre elles et avec la membrane basale. D'ailleurs, par rapport aux cellules épithéliales alvéolaires, les cellules endothéliales expriment davantage le récepteur ACE2, cette porte d'entrée du virus.
De plus, la thrombose vasculaire est diffuse avec une microangiopathie et les capillaires alvéolaires sont obstrués par des micro-caillots, neuf fois plus nombreux que dans la grippe. Enfin, il existe une angiogenèse accrue, de 2,7 fois supérieure, avec formation de nouveaux vaisseaux par un procédé principalement d’intussusception, au cours duquel des cellules endothéliales prolifèrent à l’intérieur des vaisseaux pour former des ponts (ou piliers), plutôt que par un mécanisme de bourgeonnement (prolifération à partir des extrémités et des parois latérales des vaisseaux préexistants).
« L’un des grands mystères du Covid-19 est de savoir pourquoi les patients infectés développent des caillots sanguins (ou thromboses). Ces caillots peuvent devenir mortels car ils compromettent gravement le flux sanguin non seulement dans les poumons, mais aussi dans d'autres organes tels que le cerveau et le cœur », explique le Dr William Li, président et directeur médical de la Fondation angiogenèse à Cambridge (États-Unis) et l’un des membres de l’équipe.
« Notre étude est la première à montrer que ces caillots sont associés à des vaisseaux sanguins endommagés. Ces lésions provoquent une réaction de cicatrisation unique, appelée angiogenèse intussusceptive, qui est trouvée dans le Covid-19 à des niveaux 30 fois supérieurs à la normale ». Une inflammation intense est aussi trouvée dans les poumons du Covid-19. « Bien que le SARS-Cov-2 soit un virus respiratoire, il peut aussi provoquer une maladie vasculaire », souligne le Dr Li.
Protéger les vaisseaux, une piste thérapeutique
Les chercheurs projettent de poursuivre leurs recherches sur les dommages vasculaires et l’angiogénèse dans le Covid-19, et espèrent comprendre ainsi d’autres symptômes ou problèmes observés, tels que les engelures des orteils ou la pseudo-maladie de Kawasaki chez les enfants atteints du Covid-19. « Si le Covid-19 endommage nos vaisseaux, les effets à long terme pourraient être dévastateurs même après élimination du virus. Trouver des approches pour protéger nos vaisseaux sanguins et les aider à cicatriser pourrait offrir une dimension importante du traitement du Covid-19 », estime le Dr Li.
Il convient de noter que plusieurs limitations de l’étude compliquent la comparaison entre le Covid-19 et la grippe. Outre la petite taille de l'étude, aucun des patients atteints du Covid-19 n’a été ventilé mécaniquement alors que cinq des sept patients décédés de la grippe H1N1 l’ont été.
« Cependant, l’observation d’une angiogenèse au stade précoce des dommages alvéolaires diffus est importante, notent dans un éditorial associé (2) les Drs Lida Hariri et Corey Hardin, du Massachusetts General Hospital (Boston). La découverte d’un nouveau processus pathologique ouvre la possibilité de développer de nouveaux traitements ». Dans un papier publié dans « Nature Reviews Immunology » (3), Laure-Anne Teuwen et al. de l'Institut du cancer de Louvain (Belgique) proposent un rôle central des cellules endothéliales dans la progression du Covid-19, ce qui suggère la possibilité de nouvelles approches thérapeutiques.
(1) M. Ackermann et al., NEJM, 10.1056/NEJMoa2015432, 2020
(2) L. Hariri et al., NEJM, 10.1056/NEJMe2018629, 2020
(3) L-A. Teuwen et al., Nature Reviews Immunology, 10.1038/s41577-020-0343-0, 2020
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