L’interleukine-18 (IL-18), une cytokine pro-inflammatoire, favorise la sécrétion des peptides antimicrobiens (PAM) requis pour assurer la protection contre les bactéries invasives comme les salmonelles. S'il est connu que l’IL-18 est produite par les cellules immunes et les cellules épithéliales dans l’intestin, une étude publiée dans « Cell » montre que ce ne sont pas les seules à produire la cytokine dans le tube digestif : des neurones entériques sont également à l'œuvre.
« Cette découverte offre l’occasion d’explorer de nouvelles façons d’intervenir contre les infections, via le système nerveux », suggère le Pr Richard Flavell (Université de Yale) qui a co-dirigé l'étude avec le Pr Roni Nowarski (Université de Harvard). Ces travaux ouvrent de nouvelles pistes contre les infections intestinales mais aussi dans les maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI).
Outre son rôle dans l’absorption d’eau, d’ions et d’autres nutriments, la barrière muqueuse de l’intestin assure une protection essentielle contre l’invasion des bactéries pathogènes tout en facilitant une relation non-inflammatoire avec le microbiote intestinal commensal. Cette barrière est ainsi composée d'une fine couche de mucus stérile - qui sépare physiquement l’épithélium intestinal du contenu luminal -, et se révèle enrichie en PAM afin de neutraliser les microorganismes susceptibles d’envahir l’épithélium.
Susceptibilité extrême à l'infection
Dans leurs travaux, les chercheurs ont tout d'abord observé de façon inattendue que la délétion de l’IL-18 dans les cellules immunes ou épithéliales n’affecte pas la production des PAM. Pourquoi ? D'autres cellules entrent en jeu : les scientifiques ont observé pour la première fois que des neurones entériques produisent de l’IL-18.
Dans leurs expérimentations, il apparaît que la production des PAM par les cellules caliciformes (appelées aussi cellules à mucus ou cellules en gobelet) dépend de l’IL-18 sécrétée par les neurones entériques (du plexus myentérique) dans le côlon. Le déficit en IL-18 dans les neurones entériques entraîne chez les souris une baisse des PAM dans le mucus intestinal et une susceptibilité extrême à l’infection à salmonelle.
L’équipe souhaite maintenant identifier quelle sous-population de neurones entériques produit l’IL-18. « Les neurones producteurs d’IL-18 pourraient être différents dans l’intestin grêle et le côlon », une différence sans doute régulée par le microbiote, explique au « Quotidien » Abigail Jarret, première auteure de l’étude et chercheuse en immunologie à Yale.
Épithéliale, immune ou neuronale, la source cellulaire de l’IL-18 pourrait être à l'origine d'effets différents dans l’intestin. « Une meilleure compréhension pourrait éclairer les multiples rôles de la cytokine dans la santé et les maladies », ajoute la chercheuse de Yale. Quelles cellules cible le signal IL-18 afin de produire des PAM ? Des éléments sont à confirmer. « Dans le côlon distal, l’IL-18 neuronale peut agir directement sur les cellules épithéliales, indique-t-elle. Mais, dans le côlon proximal, le signal de l’IL-18 neuronale cible un type cellulaire non-epithélial et non-immun pour réguler la production des PAM ».
Des implications cliniques dans les MICI
Le signal IL-18 issu des neurones entériques contrôle la production des PAM au sein de la barrière muqueuse et la destruction des bactéries entériques invasives. Si l’équipe n’a évalué que l’infection à salmonelle (S. typhimurium) chez la souris, « ces résultats devraient s’appliquer aux autres infections entériques bactériennes étant donné les larges effets antibacteriens des PAM », estime la chercheuse.
De plus, dans les MICI, « la rupture caractéristique de l'intégrité de la barrière intestinale entraîne souvent une fuite des bactéries dans la lamina propria (tissu conjonctif sous l’épithélium), ce qui perpétue un état inflammatoire », explique Abigail Jarret. Plusieurs études chez la souris ont ainsi démontré que l'administration dans le côlon d'un seul PAM peut atténuer la gravité de la colite. « Ce qui laisse penser qu'augmenter la production endogène des PAM pourrait bénéficier aux patients atteints de MICI, poursuit la chercheuse. Il nous reste maintenant à découvrir ce qui contrôle la production d'IL-18 dans les neurones ».
Ces recherches devraient ouvrir des pistes médicamenteuses pour augmenter l'expression des PAM chez ces patients. « Tandis que notre compréhension du contrôle neuronal d’une barrière muqueuse compétente et des interactions avec les cellules immunitaires n’en est qu’à ses balbutiements, il sera passionnant de voir un développement thérapeutique ciblant ces nouvelles voies », s’enthousiasment dans un commentaire les Drs Cameron Flayer et Caroline Sokol, deux immunologistes de Harvard (Boston).
Jarret A et al. Cell, doi10.1016/j;cell.2019.12.016, 2020
Flayer C et al. Cell,doi10.1016/j.cell.2019.12.021, 2020
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