Confronté à l’émergence accélérée de nouvelles pathologies infectieuses, l’Institut Pasteur affiche dans sa stratégie « Pasteur 2030 » la volonté de revenir à ses fondamentaux avec un projet de centre de recherche en vaccinologie et sur les maladies infectieuses (CVI). Inscrit dans le programme France Vaccin, ce futur centre de recherche s’attachera à comprendre des mécanismes qui ouvriront la voie à de futurs vaccins et immunothérapies contre les infections émergentes ou ré-émergentes. Il participera aussi à la préparation aux pandémies.
« Pasteur a engagé des fonds propres pour la construction d’une plateforme technologique de haut niveau pour l’étude de l’immunologie humaine », précise la directrice de l’Institut Yasmine Belkaid. Des fonds gouvernementaux, dont le montant reste à déterminer, seront affectés au fonctionnement de ce centre. « Nous y étudierons par exemple les interactions entre la génétique humaine et la réponse aux vaccins », poursuit Yasmine Belkaid.
Les équipes du futur centre de recherche poursuivront des travaux sur la plateforme Rougeole mise au point par Pasteur. Cette dernière a servi à la mise au point de vaccins contre la fièvre de Lassa et le virus Zika, mais elle ne s’était pas montrée assez efficace contre le Covid-19. « Cette technologie vaccinale n’est pas pertinente contre tous les types de pathogènes, aussi nous allons maintenir une diversité des plateformes, poursuit Yasmine Belkaid. Un des gros challenges du moment est de trouver un vaccin qui permette de développer une immunité au sein des tissus. On sait très bien créer une immunité périphérique, mais c’est plus difficile de créer une mémoire immunitaire au sein même des tissus. » Dans le contexte du projet vaccin porté à Pasteur, un « gros travail » va être mené sur l’immunité mucosale, promet Yasmine Belkaid en partenariat avec l’institut Pasteur de Lille.
Accélération des émergences infectieuses
Le centre de recherche en vaccinologie sera utilisé de manière complémentaire avec l’autre grand projet de l’Institut Pasteur : le centre de recherche sur les infections, le climat et l’environnement (ICE). Financé à hauteur de 90 millions par l’Institut Pasteur et prévu pour ouvrir ses portes en 2028, ce centre disposera d’un impressionnant plateau technique. Ce sera ainsi le premier lieu en France à disposer d’un microscope électronique Titan installé à l’intérieur d’un laboratoire P3, en complément du gigantesque microscope Titan Krios déjà installé dans son propre bâtiment.
L’Institut Pasteur justifie ces lourds investissements par un contexte infectieux mondial de plus en plus préoccupant. Le risque infectieux « ressurgit aujourd’hui sous de nouvelles formes, au gré de phénomènes nouveaux que nous n’avions pas anticipés et que nous avons nous-mêmes provoqués ou accélérés », explique Yasmine Belkaid. L’émergence de maladies vectorielles est particulièrement redoutée par les chercheurs. « Plus les températures moyennes vont augmenter, plus il y aura de moustiques, car leurs cycles de vie vont se raccourcir. En outre, les pathogènes vont se multiplier plus vite dans leurs organismes, poursuit Anna-Bella Failloux, responsable du laboratoire Arbovirus et insectes vecteurs à l’Institut Pasteur. La déforestation et le changement des pratiques agropastorales vont également contribuer à l’explosion du nombre de cas. »
Un nouvel insectarium ouvrira ses portes au sein de l’ICE. Contrairement à l’installation actuelle, il ne se limitera plus aux moustiques et aux tiques, mais abritera l’ensemble des insectes vecteurs répertoriés. Ainsi, les équipes d’Anna-Bella Failloux espèrent étudier le virus Oropouche, transmis par le moucheron piqueur, et déjà responsable de plus de 10 000 infections en 2024 en Amérique du Sud et dans les Caraïbes où son aire géographique s’étend de plus en plus.
Remédier au désintérêt des secteurs public et privé
L’objectif de ces nouvelles structures « est de créer des espaces dans lesquels des chercheurs proactifs peuvent mener des travaux », explique Yasmine Belkaid, qui affiche son soutien à la « liberté » des scientifiques à approfondir des sujets très fondamentaux. « C’est en travaillant sur l’immunité des bactéries, un sujet très ésotérique, que l’on a découvert Crispr-Cas9 », se plaît-elle à rappeler.
Et dans ce domaine, « les États peinent à financer les travaux de recherche, en particulier les plus fondamentaux », regrette Yasmine Belkaid qui n’espère pas non plus d’aide du secteur privé. « Les maladies infectieuses ne sont pas un marché pour eux, insiste-t-elle. Les laboratoires concentrent leurs efforts sur certaines pathologies comme les cancers ou les maladies neurodégénératives. »
Le budget de l’Institut Pasteur était de 373,6 millions d’euros en 2023, dont seulement 17 % proviennent de l’État, contre 40 % il y a 20 ans. Dans le même temps, 8,8 % de ces fonds sont assurés par des revenus industriels et 19,5 % par des partenariats de recherche avec des laboratoires privés. Outre la générosité du public, Yasmine Belkaid mise désormais sur l’Europe et la mise en commun des ressources pour donner à Pasteur les moyens de ses ambitions. « Nous visons les subventions européennes, nous travaillons avec l’Inserm et le CNRS à des co-recrutement et nous établissons des partenariats pour développer les technologies en commun », explique-t-elle.
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