L'année 2021 sera-t-elle celle de la phagothérapie ? À l'occasion de son introduction en bourse, l'entreprise Pherecydes a communiqué sur l'obtention à venir de la première autorisation temporaire d'utilisation (ATU) en France pour une phagothérapie.
Mi 2021, la société de biotech va évaluer, chez 60 à 80 patients, l'efficacité clinique de phages dirigés contre les Staphylococcus aureus, dans l'indication des infections antibiorésistantes des prothèses orthopédiques, dans une étude randomisée de phase 1/2. L'efficacité et la sécurité de ces phages, directement appliqués sur la prothèse, seront évaluées à trois mois. Deux autres études, totalisant 80 à 100 patients et financées dans le cadre d'un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC), sont également prévues : PhagOs chez les patients atteints d'infection de prothèse au CHU de Bordeaux et PhagoPied dans les ulcères diabétiques du pied au CHU de Nîmes.
Ces trois études doivent se faire en parallèle de l'obtention d'une autorisation temporaire d'utilisation (ATU) par le laboratoire qui espère ainsi générer du chiffre d’affaires.
Les Staphylococcus aureus ne sont pas les seules bactéries contre lesquelles Pherecydes développe des phages. Les deux autres cibles sont les Pseudomonas aeruginosa (dans deux indications, la pneumonie associée à la ventilation et celle associée à la mucoviscidose) et les Escherichia coli. Selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS), ces trois cibles sont responsables de 68 % des infections résistantes aux antibiotiques dans le monde.
Une remise à plat de la façon de produire
Pour en arriver là, le laboratoire a dû revoir sa copie après les résultats décevants de l'essai Phagoburn dans les infections des grands brûlés. « On en avait tiré plusieurs enseignements, se souvient le Dr Patrick Jault qui a dirigé cette étude à l'hôpital Percy de Clamart. Et notamment qu'un cocktail de phages doit être adapté aux patients et ne pas comprendre trop de phages différents pour éviter la bioconcurrence. »
Pour répondre à ces problématiques, la société Pherecydes a opté pour une sélection de quelques phages « champions », deux ou trois selon les souches ciblées, produits par un sous-traitant tchèque. Les solutions de phages se présenteront sous la forme de flacons de 1 ml, contenant environ 1 milliard de phages chacun, pouvant être conservés un à deux ans à une température de 2 à 8 °C. Les contrôles qualité seront quant à eux effectués en France. Pour l'heure, Pherecydes a traité 22 patients dans le cadre d'usages compassionnels autorisés par l'Agence du médicament (ANSM).
D'autres acteurs visent ce qu'ils espèrent être le futur marché de la phagothérapie. Le chinois Phagelux, l'israélien BiomX, le canadien Cytophage, les américains Eligo Bioscience, Locus Biosciences, Intralytix et EnBiotix ou le suisse Roivant Sciences ne sont que quelques exemples de concurrents. Mais le laboratoire de Romainville semble néanmoins avoir une longueur d'avance, selon le Dr Jault : « ils sont les plus avancés, et c'est vers eux que l'ANSM se tourne systématiquement pour un usage compassionnel. »
L'anesthésiste reste circonspect sur la possibilité d'une première ATU dès 2021. « Il reste de nombreux problèmes de sécurité à régler en ce qui concerne la bioproduction, explique-t-il. Les premières demandes d'ATU de Pherecydes s'étaient d'ailleurs fait retoquer pour cela. » En outre, le Dr Jault évoque l'échec d'une étude géorgienne, publiée en septembre dans « The Lancet Infectious Diseases », pour affirmer que « la production de phages par un laboratoire hospitalier n'est pas suffisante : il faut une bioproduction labellisée par des agences du médicament. »
Malgré ces réserves, le Dr Jault estime qu'il est urgent de proposer des phages pour éviter les surinfections : « en cas d'infection résistante d'une prothèse, la seule alternative est la dépose du matériel », rappelle-t-il.
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