Le 7 mars 2017, le professeur Michel Janier, du centre clinique et biologique des maladies sexuellement transmissibles (MST) de l’hôpital Saint-Louis (APHP) et du service de dermatologie du Groupe Hospitalier Paris-Saint-Joseph (AP-HP), tirait avec vigueur sur le signal d’alarme lors d’une séance à l’Académie nationale de médecine. Il y pointait la réapparition et la progression constante de la syphilis en France depuis le début des années 2000, plus particulièrement au sein du milieu homosexuel masculin, et fustigeait un ensemble de faits et de décisions propres à faire perdurer cette situation. Plus d’un an plus tard, la situation est toujours au point mort.
.En 2000, pile au moment où les spécialistes du groupe des Infections sexuellement transmissibles (IST) au sein de la Société française de dermatologie (SFD) alertaient sur la résurgence épidémique de cette pathologie au sein de la population des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), sa déclaration obligatoire était supprimée. Un signal qualifié de « maladroit » par le Pr Janier qui rappelle que « l’épidémiologie des IST est très mauvaise en France » et que les dernières données remontées par le réseau de surveillance des IST (RésIST), mis en place par l’Institut national de veille sanitaire (InVS) sur la base de centres volontaires, restent préoccupantes. Bien qu’en 2016, le nombre de cas de syphilis récentes diagnostiquées majoritairement en centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) n’augmente pas par rapport à 2015, il s’établit autour de 1 500 contre 1 100 déclarés en 2014 et 700 en 2012. Parmi ces patients déclarés, 81 % sont des HSH, les femmes ne représentant que 5 % des cas rapportés.
Ruptures en cascades
Si les données épidémiologiques disponibles montrent bien que « le problème n’est absolument pas réglé », comme le martèle le Pr Janier, ce n’est a priori pas l’éventail d’outils diagnostiques mis à disposition des praticiens qui risque de changer la donne. L’examen au microscope à fond noir est sorti de la nomenclature en 2015 car quasiment plus personne ne savait le pratiquer et les PCR Treponema pallidum (TP), beaucoup plus sensibles, n’y sont toujours pas rentrées. De fait, « le médecin n’a à sa disposition aucun moyen d’identifier le TP, hormis la sérologie qui s’avère souvent négative au début », déplore le Pr Janier. Quant au regroupement récent du Centre national de référence (CNR) de la syphilis avec celui de trois autres IST (gonococcies, chlamydias et mycoplasmes), il ne pose pas de problème particulier au Pr Janier, « si tant est que des crédits suffisants lui soient alloués, ce qui n’est pas vraiment dans l’air du temps ».
Pour couronner le tout, l’antibiothérapie spécifique par benzathine-pénicilline G (BPG) indiquée dans le traitement d’une shyphilis précoce a connu, ces dernières années, de nombreuses ruptures et difficultés d’approvisionnement. La décision d’arrêt de commercialisation de l’Extencilline par Sanofi en 2013 a été suivie par une période de carence totale avant que le relais soit pris par une pénicilline retard importée d’Italie (Sigmacillina), dix fois plus chère et à dispensation uniquement hospitalière. Le laboratoire Sigma-Tau a fini par arrêter sa production et ce n’est, comme le précise le Pr Janier, « que grâce à des gens très impliqués au sein de l’ANSM » qu’une nouvelle BPG, en poudre, a pu être mise sur le marché par Sandoz. Pour très peu de temps, le laboratoire suisse ayant lui aussi décidé d’arrêter la production en juillet dernier. Depuis, la commercialisation de l’Extencilline a été reprise par le français Delbert à qui l’ANSM a transmis les autorisations de mise sur le marché (AMM) de Sanofi. Mais pour « Combien de temps ? », s’inquiète le Pr Janier.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024