Est-ce l’expression de la mauvaise conscience d’un pays qui a été le premier servi ? Est-ce le signe que l’Amérique a bien changé ? Ou faut-il y voir la prise de conscience outre-Atlantique que la pandémie ne sera pas vaincue avant que le monde entier soit protégé ? L’intervention surprise de Joe Biden en faveur de la levée des brevets sur les vaccins Covid tient probablement des trois motivations à la fois. Elle a en tout cas pris de court tout le monde. À commencer par l’Europe qui a présenté lors de son Sommet social ce qu’elle sait faire de mieux : afficher ses divisions. Le président des États-Unis a eu plus de succès auprès du pape, de l’ONU, de l’OMS, de l’Union africaine et bien sûr des ONG...
Pour inattendue qu’elle soit — tant les USA passaient jusqu’alors pour un défenseur des intérêts de l’industrie- la volte-face de Washington met le doigt sur un vrai problème d’accès aux soins. Le débat n’est en soi pas nouveau. Il a émergé à la faveur du sida avec, dans les années 90, des actions d’ONG ou de pays en développement pour l’accès à l’AZT, qui débouchèrent sur le fameux procès de Pretoria. Il n’est pas étonnant qu’il resurgisse avec le Covid, à la faveur du drame Indien. Même si, paradoxalement, ce pays est à la veille de sortir « son » vaccin… Pour l’heure, selon l’OMS, 90 % des doses ont été utilisées par 10 pays dans le monde, tous situés dans l’hémisphère nord, alors que les pays du sud sont de plus en plus durement frappés par les conséquences directes et indirectes de la pandémie.
Alors, lever les brevets pour vacciner tout de suite tout le monde ? Le sujet est peut-être plus complexe qu’il en a l’air, même en faisant abstraction de toute connotation morale sur les liens entre argent et santé. Sur le plan juridique et financier, ce dossier pose la question du respect de la propriété intellectuelle, que l’industrie pharmaceutique brandit toujours comme un des moteurs de son dynamisme. La mise à disposition des premiers vaccins anti-Covid en moins d’un an — un délai record — a ainsi bluffé tout le monde. Même si d’aucuns font remarquer que les partenariats avec les universités et les aides publiques ont aussi concouru à cet exploit. L’aspect technologique est également à prendre en considération. Car il n’est pas dit que, partout sur la planète, on puisse disposer rapidement du savoir-faire et des matières premières nécessaires pour fabriquer localement les vaccins. Dans ces conditions, il faut faire quelque chose, mais quoi ? Ce sera à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) d’en décider le mois prochain. La sortie de Biden a provoqué un électrochoc. Gageons qu’elle devrait inciter producteurs comme États à trouver des solutions. Il vaudrait mieux qu’elles soient consensuelles. La multiplication d’accords de licence pourrait aussi être une possibilité. Emmanuel Macron suggère quant à lui des dons de vaccins. Et bien sûr, on comprendrait mal aussi qu’après cette initiative généreuse, les États-Unis continuent de bloquer les exportations de vaccins…
Exergue : L'initiative de Biden sur les vaccins devrait inciter producteurs et États à trouver des solutions.
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