Environ un tiers des femmes en âge de procréer dans le monde est atteint d’une dysbiose vaginale, aussi appelée vaginose, avec des taux de récidive très élevés. Les échanges documentés de bactéries entre partenaires ont conduit à s’intéresser à la possibilité de traiter aussi les partenaires sexuels pour augmenter les chances de guérison. Une nouvelle étude menée dans des centres de santé sexuelle australiens semble prouver l’intérêt de cette stratégie pour réduire le risque de récurrence.
Dans cet essai clinique, publié dans The New England Journal of Medicine et financé par le Conseil national australien de la santé et de la recherche médicale, les chercheurs rassemblés au sein de la StepUp Team et dirigés par les Drs John Kaldor (Kirby Institute, université de Nouvelle-Galles du Sud) et Catriona Bradshaw (centre de santé sexuelle de Melbourne) ont recruté 164 couples dans cinq centres de santé et planning familiaux. Les patientes, majeures, non ménopausées, devaient être en couple avec le même partenaire depuis au moins 8 semaines au moment de leur inclusion. Les auteurs précisent que près d’un tiers des participantes était porteur d’un implant contraceptif, ce qui est un facteur de risque connu de vaginose.
Toutes les patientes de l’étude ont été traitées avec 400 mg de métronidazole en prise orale deux fois par jour pendant 7 jours ou, en cas de contre-indication, une crème intravaginale de clindamycine à 2 % ou un gel de métronidazole à 0,75 % pendant 5 nuits.
Moitié moins de récidives
Les partenaires masculins de 81 patientes ont reçu une combinaison deux fois par jour pendant 7 jours de métronidazole 400 mg et d’une crème à 2 % de clindamycine à appliquer sur la peau du pénis.
Au bout de 12 semaines de suivi, seulement 35 % des femmes du groupe « partenaires traités » avaient toujours une vaginose, contre 63 % dans le groupe contrôle. Cela représente une différence de 2,6 cas de récidive par personne année. L’étude a été stoppée prématurément, après que le panel d’expert a eu passé en revue les données des 150 premiers couples. Ils ont estimé qu’il n’était pas nécessaire de maintenir la randomisation et ont proposé un traitement à tous les hommes jusqu’ici non traités. En moyenne, la récidive survenait en moyenne 73,9 jours après le début de la prise en charge quand le partenaire était traité, et 54,5 jours dans le groupe contrôle.
Les effets indésirables, bien connus chez les patientes à type de nausées, maux de tête et goût métallique, ont été constatés chez les partenaires masculins traités avec des fréquences similaires.
Le traitement du partenaire, encore absent des recommandations
En France, les recommandations conjointes de la Haute Autorité de santé, de la Société de pathologie infectieuse de langue française (Spilf) et du Groupe de pathologie infectieuse pédiatrique (GPIP), mises à jour en janvier 2025, ne mentionnent pas la possibilité de traiter le partenaire sexuel. Les rédacteurs ont estimé que la littérature ne fournissait pas, à ce stade, assez d’arguments en faveur. Les médicaments préconisés par les recommandations sont la ceftriaxone (1 g en injection intramusculaire en dose unique), la doxycycline (100 mg 2 fois par jour per os pendant 10 jours) ou le métronidazole (500 mg 2 fois par jour per os pendant 10 jours).
Cette stratégie, très similaire à celle figurant dans les recommandations internationales, n’est pas considérée comme satisfaisante par les auteurs, qui évoquent des taux de récidive de plus de 50 % au bout de trois mois de suivi.
Les essais passés de traitement de partenaires masculins sur lesquels s’appuient les recommandations actuelles « n’ont pas permis de démontrer une augmentation du taux de guérison », reconnaissent les auteurs. « Toutefois la plupart d’entre eux présentait des limitations substantielles qui réduisaient leur puissance statistique, n’évaluait pas l’adhésion des partenaires au traitement (elle a été estimée à 86 % dans la nouvelle étude australienne, NDLR) et ne proposait qu’une prise unique d’une seule dose d’antibiotique. » De plus, les essais antérieurs ne portaient que sur une antibiothérapie orale, négligeant la possibilité d’une persistance bactérienne sur la peau du partenaire masculin. Des études ont en effet montré que les hommes pouvaient héberger des bactéries associées aux vaginoses au niveau de l’urètre distal et sous le prépuce.
Les vaginoses ont un temps d’incubation similaire à celui de toutes les infections sexuelles transmissibles (IST) bactériennes et présentent un risque accru de survenir chez les femmes ayant plusieurs partenaires. Toutefois, les femmes qui affirment avoir un unique partenaire régulier ont deux fois plus de risque de contracter une vaginose que celles qui n’ont pas du tout de partenaire. Dans un éditorial associé, les Drs Christina Muzny et Jack Sobel, respectivement des départements de médecine infectieuse de l’université de l’Alabama et de l’université d’État Wayne à Détroit, affirment que « cette étude produit des données critiques pour éduquer les praticiens et les patients sur le rôle de la transmission sexuelle dans les vaginoses ». Selon eux, il est « temps d’entamer une conversation » sur l’inscription du traitement des partenaires sexuels masculins dans la pratique courante.
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