Études de médecine générale

En ville, Neuder veut pousser les murs pour trouver des terrains de stage

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Publié le 14/02/2025
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Face au manque criant de terrains de stage ambulatoires, le ministre de la Santé Yannick Neuder étudie plusieurs pistes pour accueillir à partir de novembre 2026 les futurs docteurs juniors de médecine générale. Mais qu'en pensent les premiers concernés ?

Crédit photo : BURGER/PHANIE

Comment pallier le manque de terrains de stage à l'approche de la rentrée 2026, qui devrait marquer, sauf report, l'entrée en vigueur de la réforme de la quatrième année de médecine générale pour environ 3 700 internes de la promotion 2023 ? Le ministre de la Santé Yannick Neuder entend mobiliser toutes les ressources disponibles pour éviter de laisser des jeunes sur le carreau. Quitte parfois à surprendre.

En déplacement fin janvier dans une maison de santé des Hauts-de-Seine, le cardiologue a fait ce rapprochement étonnant : relancer les visites à domicile pour libérer de l’espace dans les cabinets médicaux habilités comme terrains de stage. « Je vais poser une petite bombe, mais je suis favorable à remettre en place les visites (…) pour libérer le cabinet, a-t-il développé. Je ne veux pas résumer cette réforme [de la quatrième année] à des problématiques seulement bâtimentaires, mais je pense qu'on peut trouver une autre façon de concevoir les choses. » Le ministre a également affiché sa volonté de « revaloriser » ce mode d’exercice avec la Cnam, le cas échéant.

« Notre ministre plane »

Bien que les propos du Dr Neuder restent à préciser, cette association d’idées a fait bondir certains syndicats de médecins libéraux, au premier rang desquels MG France, qui qualifie cette proposition de « démagogique ». « Notre ministre plane, tacle le Dr Jean-Christophe Nogrette, secrétaire général adjoint du syndicat. Oui, il faudra trouver des locaux pour accueillir les docteurs juniors et cela ne sera pas simple. Mais nous n’allons pas faire de visites qui ne se justifient pas. »

Il y a en réalité beaucoup d’endroits où se produit du soin qui peuvent être de très bons lieux de stage

Yannick Neuder, ministre de la Santé

Cette proposition laisse également les premiers concernés perplexes. « Je ne vois pas où le ministre veut en venir, jette Bastien Bailleul, président de l’Isnar-IMG. Sur le fond, encourager les docteurs juniors à faire des visites peut être une bonne idée, à condition que ce soit encadré avec une prise en charge des déplacements. Mais si Yannick Neuder s’imagine qu’il suffit d’aller de maison en maison toute la journée sur son petit vélo pour libérer de la place dans les cabinets, il se trompe. Il nous faut de véritables lieux d’accueil. » Pour lui, la vraie réponse réside avant tout dans la publication des textes réglementaires nécessaires pour « recruter des maîtres de stage et permettre aux collectivités locales de lancer leurs démarches » pour l’agrandissement ou la construction de nouveaux cabinets.

Et si l'idée concernait les médecins seniors ? Bastien Bailleul reste tout aussi sceptique quant à la faisabilité. « Un docteur junior doit être accueilli en cabinet environ quatre jours par semaine », rappelle-t-il. Ce qui laisse peu de temps à son responsable pour une activité extérieure.

PMI, Ehpad ou centre de SMR ?

Pour trouver d’ici à novembre 2026 un lieu de stage à tous les docteurs juniors, Yannick Neuder ambitionne aussi de recenser l’ensemble des structures susceptibles de les accueillir. « On ne se rend pas compte car ce n’est pas dans les radars des facultés ou des ARS, mais il y a en réalité beaucoup d’endroits où se produit du soin qui peuvent être de très bons lieux de stage. Il faut que chaque maire, chaque élu, nous fasse remonter ces structures », a plaidé le ministre.

Pourra-t-il s’agir d’Ehpad, de centres de réadaptation (SMR) ou de PMI ? Le ministre de la Santé n’y voit aucun inconvénient et affiche une position claire : « Je ne veux pas que ce soit l’État qui mette des freins sur les lieux de stage ». Et de préciser : « En plus, ces structures ont déjà des locaux, donc pas besoin d’investissement particulier ». Le locataire de Ségur n’a identifié qu’une seule contrainte : le Collège national des enseignants de médecine générale (CNGE), très investi dans cette réforme. « Il ne faut pas qu’il bloque », craint le ministre.

Mais son président, le Pr Olivier Saint-Lary, rassure : « L’ouverture de terrains de stage en Ehpad ou en PMI a été formulée dans le premier rapport sur la 4e année auquel j’ai participé. C’est une mesure bien identifiée et même promue. L’objectif est de faciliter l’insertion territoriale des docteurs juniors et de les amener à interagir avec tout l’écosystème autour de leur activité de soins. »

Favorable à l’idée de « sortir des cabinets afin d’appréhender les enjeux populationnels », le Collège de la médecine générale (CMG) pousse également pour réaliser la 4A « dans des lieux d’exercice de la médecine générale dans sa diversité : cabinets libéraux, maisons de santé, centres de santé ». Pour le collège, l’idée est surtout intéressante pour les docteurs juniors intéressés par la santé publique. Une approche multisites de leur stage et des maquettes « adaptées (un à deux jours) en fonction [de leurs] projets professionnels » leur permettrait de se former à temps partiel dans des structures ad hoc (plannings familiaux, PMI, santé scolaire, PASS, etc.). En revanche, le CMG réserve son avis sur la place dans la réforme des structures dédiées à la prise en charge des soins non programmés, qui reste selon lui « encore à définir ».


Source : Le Quotidien du Médecin