Foramen ovale perméable et migraine avec aura.

Aspects épidémiologiques, physiopathologiques et thérapeutiques

Publié le 09/06/2011
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Crédit photo : DR

PAR LE Dr CHRISTIAN LUCAS*

LE FORAMEN ovale est physiologiquement perméable durant la vie intrautérine. Il permet le passage du sang oxygéné provenant du placenta de l’oreillette droite vers l’oreillette gauche et, ainsi, dans la circulation systémique. Après la naissance, une fusion des septa primum et secundum a lieu, fermant ainsi le foramen ovale. Dans la population générale, le foramen ovale reste toutefois perméable dans 25 % des cas, comme cela a été établi dans de nombreuses séries d’autopsies (1).

L’association bidirectionnelle entre migraine avec aura et FOP est une réalité épidémiologique. Le foramen ovale perméable (FOP) est plus fréquent dans les études d’association (de l’ordre de 50 %) dans la migraine avec aura, avec un niveau de preuves faible à modéré (2).

Le pivot central de l’aura migraineuse repose sur la dépression corticale envahissante (DCE), pierre de touche angulaire de la physiopathologie. La DCE est corrélée avec une période brève d’hyperperfusion suivie par une hypoperfusion. Expérimentalement, la DCE peut également être déclenchée chez la souris par des injections de microbulles d’air, de cholestérol ou de microparticules de polystyrène. Ala Nozari, de l’équipe de Michael A. Moskowitz (3), vient de publier un très beau travail expérimental animal qui permet de mieux articuler les différents éléments du puzzle physiopathologique. Ils ont réalisé des injections intracarotidiennes de microparticules (avec un groupe témoin ayant eu des injections de sérum salé). Ces microparticules n’entraînent pas forcément de microinfarctus sauf en cas d’injection massive (tous les animaux étaient examinés neurologiquement après l’injection puis sacrifiés dans un second temps avec étude histopathologique), mais déclenchent toutes une DCE après quelques minutes. La DCE peut être visualisée par des techniques complexes associant IRM 9 Tesla et spectroscopie laser avec dans le même temps étude du débit sanguin cérébral. Dans ce travail expérimental, la DCE est corrélée avec la magnitude et la durée de l’hypodébit (qui n’atteint pas le seuil d’ischémie critique). Cela pourrait expliquer cliniquement la surreprésentation du FOP chez les migraineux avec aura avec déclenchement de crises, chez des individus prédisposés génétiquement, par des microthrombi, non filtrés par la circulation pulmonaire, du fait du shunt et pouvant entraîner une DCE à l’origine d’auras.

Impact de la fermeture du FOP.

En 2005, la Haute Autorité de santé a fait une analyse critique de la littérature sur le FOP pour le traitement de la migraine par fermeture percutanée (4). De nombreuses limites méthodologiques existaient dans toutes ces études : aucune n’avait de groupe témoin, or la migraine s’améliore souvent spontanément avec l’âge ; l’effet placebo dans la migraine est variable, mais peut s’élever jusqu’à 70 % ; la plupart des patients recevait de l’aspirine après la fermeture du FOP, et l’aspirine a un effet prophylactique, certes modeste, dans la migraine. Ces études étaient rétrospectives, ce qui entraîne inévitablement des biais de remémoration concernant la fréquence des céphalées avant la fermeture du FOP.

Les résultats de l’étude prospective MIST.

L’étude MIST (Migraine Intervention with STARFlex Technology) était une étude prospective, multicentrique, en double aveugle, contre placebo, visant à évaluer l’efficacité et la sécurité de la fermeture des FOP par voie percutanée chez les patients migraineux (5). Les critères d’inclusion étaient une migraine avec aura, avec au moins cinq crises par mois (avec ou sans aura), résistante à au moins deux traitements de fond (inefficacité ou intolérance) et la présence d’un FOP à large shunt. Cent quarante-sept patients ont été inclus dans les treize centres britanniques participant à l’étude. Soixante-quatorze patients ont eu une fermeture effective de leur FOP et 73 une fermeture « fantôme ». Respectivement 84 et 85 % des patients des deux groupes étaient des femmes, d’âge moyen 44 ans. Cent quarante et un patients ont été suivis jusqu’au terme des 6 mois et 135 ont complètement terminé l’étude avec une analyse de leurs agendas. Les patients étaient suivis en aveugle de la procédure par un neurologue pendant 6 mois. Le critère d’évaluation principal était très ambitieux puisque les auteurs visaient la disparition des céphalées migraineuses. Parmi plusieurs critères secondaires figurait la réduction d’au moins 50 % de la fréquence des jours avec céphalées migraineuses (critère classique d’évaluation d’un traitement de prophylaxie), mais sans que l’on sache s’il y avait eu prospectivement pendant au moins 3 mois avant l’intervention un recueil du nombre de jours avec céphalées.

Concernant le critère principal, l’étude est négative : les céphalées ont disparu chez 3 patients dans chaque groupe. De même, le critère secondaire concernant la réduction d’au moins 50 % de la fréquence des crises est négatif : la réduction de la fréquence des jours avec céphalées migraineuses a été de 42 % dans le groupe avec fermeture effective et de 23 % dans le groupe avec fermeture « fantôme » (non significatif au seuil de 0,01). Des cas de tamponnade, d’hémorragie péricardique, de douleur thoracique, d’épistaxis, de saignement au point de ponction, de saignement rétropéritonéal, de fibrillation auriculaire, d’anémie imputable à la procédure et un cas d’infarctus du tronc cérébral non imputable ont été notés. A la suite de cette étude, la Société française d’études des migraines et céphalées a alerté la Haute Autorité de santé sur cette problématique afin que ne soient réalisées en aucun cas des fermetures de FOP dans la migraine en dehors d’un essai clinique.

*Service de neurologie et pathologie neurovasculaire, hôpital Salengro, CHRU de Lille

(1) Meier B, Lock JE. Contemporary management of patent foramen ovale. Circulation 2003;107:5-9.

(2) Schwedt TJ, Demaerschalk BM, Dodick DW. Patent foramen ovale and migraine: a quantitative systematic review. Cephalalgia 2008;28(5):531-40.

(3) Nozari A, E. Dilekoz, I. Sukhotinsky, et al. Microemboli may link spreading depression migraine aura and patent foramen ovale. Ann Neurol 2010;67(2):221-9.

(4) http://www.has-sante.fr.

(5) Dowson A, MJ Mullen, R Peatfield, et al. Migraine Intervention With STARFlex Technology (MIST) trial: a prospective, multicenter, double-blind, sham-controlled trial to evaluate the effectiveness of patent foramen ovale closure with STARFlex septal repair implant to resolve refractory migraine headache. Circulation 2008;117(11):1397-404.


Source : Bilan spécialistes