« Cela suggère vraiment que nous pourrions développer un test diagnostique oculaire», estime le Dr Christina Sigurdson, anatomopathologiste à l'Université de San Diego (Etats-Unis) et co-signataire de l’étude publiée dans mBio, la revue de l’American Society for Microbiology. « Ces futurs tests oculaires pourraient être utiles pour surveiller la progression de la maladie et évaluer de nouveaux traitements». ajoute-t-elle,
La maladie de Creutzfeldt-Jakob sporadique (MCJs), la plus fréquente des maladies à prions, reste une maladie rare d'évolution rapidement favorable avec un décès survenant dans l'année du diagnostic. 40% des patients développent des symptômes visuels ou occulo-momoteurs (diplopie, paralysie supranucléaire et baisse visuelle), parfois de survenue précoce (10 à 20%), les conduisant à consulter un ophtalmologue. La maladie est expliquée par la présence d'une forme mal pliée, agrégée et infectieuse (PrPSc) de la protéine prion (PrPc), laquelle est en quantité abondante dans le cerveau et, à moindre degré, dans la rétine.
Transmission iatrogène connue
Il a été observé des transmissions iatrogènes à partir de greffes de cornée, de dure-mère, d'hormone de croissance humaine cadavérique et d' instruments neurochirurgicaux.
«Puisque des greffes de cornée ont entraîné la transmission de la MCJ dans au moins deux cas, nous avons examiné la distribution des prions dans les divers compartiments des yeux de 11 patients décédés de MCJ sporadique» explique au “Quotidien” le Dr Byron Caughey, chercheur au National Institute of Health (Rocky Mountain Laboratories, NIAID, Montana) et cosignataire de l’étude.
«Nous avons utilisé un test biochimique ultrasensible détectant les prions infectieux, appelé RT-QuIC (real-time quaking induced conversion assay); ce test indique que tous les patients hébergent des prions dans de multiples tissus de leurs yeux, y compris la cornée et la sclérotique, qui constitue la surface externe blanche de l'œil. La rétine héberge généralement les taux les plus élevés, atteignant dans certains cas, les taux observés dans le cerveau. D’autres tissus comme la cornée, le cristallin et le corps vitré présentent des taux beaucoup plus faibles, néanmoins détectables», précise le Dr Caughey.
Risque biologique dans certaines circonstances
«Ces résultats indiquent que de multiples compartiments oculaires chez les patients atteints de MCJs contiennent des prions qui peuvent poser un risque biologique dans certaines circonstances. Je n’ai pas connaissance de données indiquant que des examens oculaires de routine ou des interactions occasionnelles impliquant un contact avec les yeux auraient pu être à l'origine d'une transmission de la MCJ. Néanmoins, compte tenu du risque potentiel (bien que vraisemblablement faible), les ophtalmologues pourraient envisager d'utiliser chaque fois que possible des instruments de contact oculaire qui sont jetables ou bien suivre un protocole efficace de décontamination anti-prion sur les instruments réutilisés», confie le Dr Caughey.
«Par ailleurs, la possibilité de détecter les prions dans les tissus oculaires pourrait faciliter le diagnostic ante-mortem de la maladie à prions».
Cette découverte, souligne l’équipe, « renforce les recommandations pour l’utilisation d’instruments à usage unique ou le recours à des procédures de décontamination spécifiques afin d’exclure la transmission du prion pathogène». Les auteurs ajoutent que les cornées biosynthétiques, actuellement en développement, devraient être optimisées et pourraient être préférables. Par ailleurs, puisque tous les patients atteints de MCJs ont été trouvés avec des prions agrégés dans la rétine, les auteurs suggèrent que peut-être un électro-rétinogramme par exemple pourrait offrir un test diagnostique ante-mortem non invasif, en révélant des anomalies électriques précoces.
Des implications pour d'autres maladies neurodégénératives. «Nous avons des tests RT-QuIC similaires qui sont très sensibles pour détecter les protéines agrégées causant la maladie de Parkinson, la maladie d’Alzheimer et d’autres maladies neurodégénératives, et nous prévoyons de les utiliser pour examiner les yeux des patients atteints de ces maladies plus courantes», fait entrevoir le Dr Caughey.
C. Orrù et al, mBio, DOI: 10.1128/mBio.02095-18, 2018
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