Ce n’est que la première étape d’un long processus avant de pouvoir traiter les patients en routine, mais l’étude multicentrique de phase 2 LixiPark mérite d’être saluée tant les résultats sur la neuroprotection se faisaient attendre dans la maladie de Parkinson.
« C’est le fruit de trente ans de recherche après de multiples déceptions, explique au Quotidien le Pr Olivier Rascol, neuropharmacologue au CHU de Toulouse et auteur senior de l’étude. Si l’on dispose des traitements symptomatiques, il n’existe toujours pas de traitement qui modifie le cours de maladie. Des Anglais de Londres avaient bien suggéré en 2017 des bénéfices de l’éxénatide sur un petit nombre de patients, mais LixiPark est la première étude multicentrique qui met en évidence un effet neuroprotecteur clairement significatif pour le lixisénatide, un autre agoniste du récepteur du GLP-1 traversant la barrière hémato-encéphalique. Au bout d’un an, la molécule ralentit significativement la progression des symptômes moteurs, la piste neuroprotectrice se confirme pour cette classe pharmacologique antidiabétique ».
Barrière hémato-encéphalique
Les deux molécules passent toutes les deux la barrière hémato-encéphalique, ce qui n’est pas le cas de tous les autres membres de cette classe comme le sémaglutide (Ozempic) très en vogue. « Nous avons fait le choix du lixisénatide car, dans le cadre du Plan d’investissement d’avenir, nous voulions impliquer Sanofi, un partenaire industriel français », poursuit le spécialiste.
L’étude française avec 21 des 27 centres du réseau national NSPark a inclus 156 patients ayant une maladie de Parkinson au stade précoce. L’essai de phase 2 randomisé contre placebo en double aveugle a testé l’effet du lixisénatide (administré par voie sous-cutanée à la dose de 20 microgrammes une fois par jour) en association au traitement symptomatique dopaminergique. Les patients étaient très peu symptomatiques à l’inclusion (environ 15 points sur une échelle allant de 0 à 132, 0 correspondant à l’absence de symptômes). Au bout d’un an, les symptômes moteurs sont restés stables dans le groupe lixisénatide alors qu’ils se sont aggravés dans le groupe placebo (+ 3 points), avec une différence significative entre les deux groupes. Les résultats sont publiés dans The New England Journal of Medicine.
Un effet durable à l’arrêt du traitement
L’idée de s’intéresser aux agonistes de GLP-1 dans cette indication repose sur un faisceau de preuves. Tout d’abord, sur le plan épidémiologique, les sujets diabétiques de type 2 ont un risque accru de développer une maladie Parkinson avec une progression plus rapide. Parallèlement, des analyses post-mortem de cerveaux de patients atteints suggèrent que des récepteurs à l’insuline exprimés dans le cerveau pourraient avoir un rôle dans le soutien et la neuroprotection. Dans le même temps, les récepteurs neuronaux du GLP-1 semblent impliqués dans la neurodégénérescence. « Les analogues du GLP-1 semblent normaliser une cascade dysfonctionnelle, les patients traités par cette classe d’antidiabétiques ont moins de risque », détaille le Pr Wassilios Meissner, neurologue au CHU de Bordeaux et premier auteur.
La méthodologie présente plusieurs particularités, la première étant que les patients étaient à moins de trois ans post-diagnostic. « Nous avons fait ce choix pour pouvoir faire la part des choses entre l’effet du traitement symptomatique et celui du lixisénatide, explique le Pr Wassilios Meissner. La maladie évolue lentement, l’histoire naturelle fait qu’à 12-18 mois post-diagnostic, les patients arrivent à fonctionner sans augmenter les doses du traitement dopaminergique ». Pari gagné, en effet, au cours des 12 mois de l’étude, la dose moyenne du traitement dopaminergique a en effet très peu varié chez les patients. De plus, afin de s’assurer tout à fait de l’absence d’un effet dopaminergique du lixisénatide, les investigateurs ont suivi les patients deux mois supplémentaires alors que l’analogue du GLP-1 avait été arrêté, sans que l’évaluation ne varie. « C’est un argument en faveur d’un effet neuroprotecteur durable », souligne le neurologue.
Des questions en suspens
Autre originalité de l’étude, les investigateurs ont utilisé la sévérité des symptômes comme reflet de la dégradation neuronale car il n’existe pas de biomarqueur de la survie des neurones. « L’échelle internationale MDS-UPDRS (pour Movement Disorder Society-UnifiedPakinson Disease Scale, NDLR) comporte plusieurs volets, précise le Pr Olivier Rascol. Pour le critère principal de jugement, nous avons choisi d’utiliser le troisième (III), celui où les neurologues évaluent les troubles de 0 à 132. La sévérité telle qu’elle est perçue par les patients dans les deux autres volets (I et II) ne ressort pas, à ce stade l’évaluation par les médecins est plus sensible ».
L’essai ouvre de nombreuses questions auxquelles il va falloir répondre avant d’envisager une application clinique. « Combien de temps faut-il donner le lixisénatide ? Pour quelle protection ? Et à quelle dose, alors que l’effet semble être le même pour le tiers des sujets ayant reçu une demi-dose en raison de troubles digestifs ? » , liste le Pr Rascol. La balance bénéfice/risque doit aussi être mieux évaluée, même si très peu de participants ont arrêté le traitement avant la date. Parmi les effets indésirables fréquents, outre les nausées et douleurs abdominales, le lixisénatide peut faire perdre du poids. « Le risque de pancréatite est faible mais à surveiller, indique le Pr Rascol. Sur les 156 inclus, un patient a présenté une élévation des enzymes pancréatiques qui, dépistée très tôt, a récupéré rapidement ».
Quelles sont les suites prévues en recherche ? « Nous ne pouvons poursuivre l’étude, dont le financement est terminé, rapporte le Pr Rascol. De plus, le lixisénatide n’est plus disponible seul en France, il est combiné avec de l’insuline, ce qui ne convient pas. C’est un obstacle. L’une des options est de switcher vers un autre analogue de GLP-1 ». La réflexion sur le sujet est internationale et collective, et le réseau NSPark communique régulièrement avec les équipes étrangères, dont anglaise. Un rapprochement n’est pas exclu, « mais l’infrastructure réglementaire n’a pas la force de frappe des industriels et il faut faire coïncider les financements publics de différents pays, ce qui n’est pas une mince affaire avec des calendriers aussi longs, cela fait dix ans que l’idée de LixiPark a commencé à germer ».
W. Meissner et al., N Engl J Med 2024 ;390:1176-85
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