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LES NEURONOPATHIES SENSITIVES appelées aussi ganglionopathies sensitives sont liées à la destruction des neurones sensitifs des ganglions rachidiens postérieurs. Elles ont pour corollaire une dégénérescence neuronale, il n’y a donc pas de possibilité de récupération, une fois la lésion bien installée. « Le but est donc d’arriver le plus rapidement possible à poser un diagnostic parmi toutes les étiologies possibles, d’autant que certaines peuvent être traitées » note le Pr Antoine.
Première étape : le diagnostic de neuronopathie sensitive
« La première étape consiste à vérifier qu’il s’agit bien d’une neuronopathie sensitive et non d’une affection du système nerveux périphérique. Pour cela, nous avons travaillé dans notre centre de référence, sur l’établissement d’un score publié en 2009 : score qui a depuis été validé par une étude multicentrique. Ce score repose à la fois sur des critères cliniques (présence d’une ataxie, distribution asymétrique des symptômes, non-limitation aux seuls membres inférieurs) et sur des critères électrophysiologiques (un nerf sensitif non enregistrable ou 3 nerfs sensitifs avec anomalies, moins de deux nerfs moteurs anormaux au niveau des membres inférieurs) : dans cette première étude, sa sensibilité était de 92 % et sa spécificité, de 100 % », explique le Pr Antoine (voir encadré).
Dans l’étude multicentrique ayant permis de valider ces critères diagnostiques, 210 patients provenant de 15 centres de référence francophones ont été inclus. Les experts devaient entrer dans l’étude des patients vus dans leurs centres, ayant une neuropathie sensitive. Ils devaient donner leur hypothèse diagnostique (c’est une neuronopathie sensitive, ce n’en est pas une, ne se prononce pas) et ce, sans tenir compte des critères testés. Au final, pour 61 patients, l’expert s’est prononcé en disant « ce n’est pas une neuronopathie sensitive », pour 113 « oui » et pour 36, « ne se prononce pas ». « Or l’étude a montré que les critères diagnostiques que nous avions établis étaient en général supérieurs à l’avis des experts car pour la grande majorité des cas où il y avait discordance entre les deux résultats, nous avons repris les dossiers et pousser les investigations, montrant ainsi que les critères diagnostiques étaient supérieurs aux avis d’experts. Il n’y a que pour certains cas de formes rares ataxiantes de polyradiculonévrites chroniques touchant les racines que les critères ont finalement été pris en défaut », note le Pr Antoine.
Seconde étape : le diagnostic étiologique.
La seconde étape consiste à poser le diagnostic étiologique de cette neuronopathie sensitive. « Il est possible d’orienter 80 % des malades vers une grande piste diagnostique dans les six mois. Pour 20 % des patients restants, la situation peut être un peu compliquée, par exemple, parce qu’il va falloir attendre plusieurs années qu’une maladie de Gougerot se déclare et pour qu’un diagnostic de certitude puisse enfin être posé », souligne le Pr Antoine.
Il peut s’agir d’une cause paranéoplasique, d’une forme associée à une maladie auto-immune (syndrome de Gougerot, avec une neuronopathie précédant le Gougerot de plusieurs années), de formes génétiques liées à des mutations de l’ADN mitochondrial, ainsi que des formes infectieuses ou encore, toxiques (alcool, chimiothérapie dont la vitamine B6 à forte dose et dose prolongée ou les sels de platine). « Les formes d’installation subaiguë ou aiguë orientent davantage vers une étiologie toxique ou paranéoplasique, alors que les formes lentement évolutives font davantage penser à une étiologie génétique ou idiopathique. D’autres critères comme l’âge, l’histoire familiale, la consommation de toxiques, le mode d’installation, les manifestations prédominantes (douleur ou anesthésie), la présence d’une ataxie, etc. entrent également en compte. Le bilan biologique minimum repose enfin sur un dosage de la vitamine B12, la recherche d’anticorps anti-Hu, SSA, SSB, antimitochondrie, etc. », souligne le Pr Antoine.
Si la recherche biologique ne donne rien, mais que l’installation est aiguë ou subaiguë, avec des douleurs et un LCR anormal, a fortiori chez un homme de plus de 60 ans, il ne faut pas hésiter à demander un Pet Scan et des sérologies virales à la recherche d’une infection du système nerveux ou d’une histoire paranéoplasique. À l’inverse, devant une évolution lente avec une ataxie précoce, une atteinte de la face et/ou du tronc, peu ou pas de douleur, chez une personne jeune ou avec une histoire familiale, il faut penser à une étiologie génétique ou à une forme idiopathique. Ou encore, dans le cas d’une forme moins sévère et/ou asymétrique, il peut s’agir d’une maladie de Gougerot qui s’installera ultérieurement, nécessitant donc une surveillance accrue.
« Il n’y a pas de traitement pour les formes génétiques, mais le conseil génétique reste utile. Les maladies auto-immunes peuvent relever de protocoles de biothérapies. Quant à la prise en charge des neuronopathies liées à une paranéoplasie ou à une infection, elle repose évidemment sur le traitement de la cause et il est important d’agir au plus vite », conclut le Pr Antoine.
D’après un entretien avec le Pr Jean-Christophe Antoine, neurologue CHU Saint-Étienne.
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