Le CREDOC constate que, si le consommateur choisit en fonction de ses modèles culturels, le goût reste le principal critère présidant à l’achat. La préférence (déclaratif) est très nette en France pour le salé, le sucre étant diabolisé car lié au péché de gourmandise. Le modèle alimentaire traditionnel français est tourné vers le partage, la convivialité, le plaisir ; des notions malmenées par le discours nutritionnel, puisque depuis 2007, l’aspect « nutrition-santé » a pris le pas sur les aspects « nécessité et plaisir de l’alimentation ». « Une constatation qui inquiète les nutritionnistes pour qui le modèle culinaire français avait jusqu’ici préservé de l’obésité, explique Pascale Hebel (CREDOC), les diktats nutritionnels engendrant la culpabilité sans modifier les comportements ».
Sur le plan comportemental, on a constaté que l’expérience précoce de la variété augmente l’acceptation d’un nouvel aliment sain, et qu’en continuant (sans insister) à présenter un aliment à un enfant, il est généralement accepté à la septième ou huitième fois. Des éléments qui permettent d’appuyer les conseils aux parents qui voudraient amener leurs enfants vers les légumes et le poisson.
Pour mieux comprendre les atteintes du consommateur en termes de satiété, la recherche s’est aussi intéressée à l’évaluation subjective des calories, souvent bien éloignée du chiffre réel, ainsi qu’aux tailles des portions des aliments usuels, pour lesquelles on s’aperçoit que les attentes sont difficiles à modifier : la satiété est davantage liée au volume de la portion qu’à sa véritable valeur calorique.
Conjuguer qualités nutritionnelles et plaisir alimentaire.
On sait maintenant qu’à côté des cinq récepteurs essentiels déterminant les goûts sucré, salé, amer, acide et umami (lié à la présence de l’acide glutamique), il existe très vraisemblablement des récepteurs au gras. Chez l’homme, certains acides gras insaturés comme l’acide linoléique sont perçus par la langue, ce qui pourrait aider à la compréhension de l’appétence pour le gras : les personnes ayant la sensibilité au gras la plus élevée tendent à consommer moins de matières grasses et à avoir un index de masse corporelle plus bas selon une étude australienne.
Le défi posé à l’industrie agro-alimentaire est d’élaborer des produits répondant aux critères fixés par les recommandations de santé publique, tout optimisant les propriétés organoleptiques pour ne pas dérouter le consommateur. « L’analyse des interactions entre les différents sens impliqués dans le goût ouvre la voie à des produits moins gras, moins sucrés ou moins salés mais offrant le même plaisir nutritionnel », explique Nathalie Martin (directrice du groupe de recherche en sciences sensorielles, Centre de recherche Nestlé). Ainsi, pour diminuer la quantité de sucre tout en maintenant le goût sucré, on peut insister sur un arôme type fraise ou vanille qui augmente l’intensité de la sensation sucrée. Pour la même quantité de matière grasse, un yaourt nature sera ressenti crémeux avec un arôme coco ou vanille, léger et frais avec un arôme pêche, acide avec un arôme pamplemousse. Les analyses sensorielles montrent aussi comment la forme d’un morceau de chocolat, en modulant la fonte en bouche et la libération des arômes influence la perception de sa texture.
D’autres approches s’intéressent à la façon dont sont modulées les perceptions en fonction du temps, à l’adéquation entre l’aspect du produit, son goût et ce que les consommateurs en attendent, ainsi qu’à la mesure des composés volatils relargués dans le nez du sujet en mangeant.
Au centre du discours nutritionniste.
Devant l’échec des programmes d’éducation alimentaire, il est temps de dépasser l’abord strictement nutritionnel de l’alimentation pour aller vers le symbolique, la commensalité et le plaisir. « Pour amener un patient à modifier ses habitudes alimentaires, il est essentiel de parler de ses goûts, un moment privilégié de la consultation de nutrition, conclut le Dr Patrick Serog (médecin nutritionniste, Paris). Il ne peut être question de modifier le goût de manière brutale, et tous nos conseils achoppent sur le goût des aliments que nous recommandons à nos patients. Nous devons les respecter en respectant leurs goûts : à nous d’adapter l’alimentation au patient et pas l’inverse ».
Session parrainée par Nestlé France.
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