Maladie chronique du tissu adipeux, l’obésité représente un risque majeur pour la santé. C’est pourquoi la médecine accompagne les patients obèses ou en surpoids vers la perte de poids. Une mission complexe lorsque l’on sait que la plupart des tentatives de réduction pondérale sont suivies d’une reprise de poids et que les traitements mis en œuvre pour perdre du poids (médicaments, régimes, interventions chirurgicales) peuvent entraîner des effets indésirables plus ou moins graves.
D’après l’analyse de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES, 1), la plupart des régimes jouissant d’une popularité en France entraînent des déficits en un grand nombre de micronutriments (vitamine C, E et B9, fer, calcium, magnésium, notamment) et en fibres. Des déséquilibres dans la balance glucidolipidique ont également été relevés. « Ces déséquilibres peuvent engendrer des risques métaboliques et cardio-vasculaires notables (2,3). Par ailleurs, certains régimes proposent des menus aux apports très excessifs en protéines, pouvant atteindre jusqu’à 3,5 g par kilo de poids corporel pour les trois phases du régime Dukan. De même, des apports excessifs en sodium sont constatés : jusqu’à plus de 5 000 mg/j de sodium dans première phase du régime Dukan, soit 12 à 13 g de sel par jour !», souligne le Dr Jean-Michel Lecerf, médecin nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille.
Si la plupart des régimes entraîne une perte de poids initiale, plus ou moins importante, ils sont suivis dans un grand nombre de cas d’une reprise de poids sur le moyen et surtout, le long terme (lire aussi p 24). « Les études disponibles ont montré que le maintien d’une perte de poids de plus de 10 % par rapport au niveau initial pendant plus d’un an ne concernerait que 20 % des sujets et s’atténuait avec le temps, et que les régimes très restrictifs conduisaient à une reprise du poids dans 95 % des cas à 10 ans », précise le Dr Lecerf.
Moins d’os, moins de muscles.
Outre le risque de reprise de poids, toute réduction des apports alimentaires est suivie d’une diminution de la masse grasse, de la masse maigre et, à partir d’un certain âge, d’un risque d’obésité sarcopénique. De fait, les auteurs d’une étude (4) très récente (auprès de 78 femmes ménopausées de 50 à 70 ans ayant un IMC de 25 à 40 kg/m2 chez lesquelles un déficit de 400 kcalories a été réalisé sur 5 mois) ont calculé qu’une perte de 1 kg de graisse entraîne une diminution de 260 g de muscle... Mais une reprise de poids de 1 kg de graisse n’est suivie que d’une reprise de poids de 120 g de muscle.
« Parmi les conséquences somatiques bien identifiées à la suite des régimes amaigrissants, il faut aussi citer la perte de la masse osseuse, quasi systématique. Le risque de fracture est donc accru. Il doit être pris en considération en maintenant, d’une part, des apports protidocalciques suffisants et d’autre part en augmentant l’activité physique de manière progressive, pour atténuer la perte de masse osseuse », assure le Dr Lecerf.
Effets secondaires comportementaux.
À ces conséquences somatiques s’ajoutent les effets de la restriction cognitive, conséquences directes du contrôle volontaire du comportement alimentaire pour obtenir une réduction des apports, avec notamment une diminution de la perception des sensations de rassasiement et de faim, l’apparition d’une frustration par rapport à ce que l’on peut manger et d’une culpabilité par rapport à ce que l’on a mangé. Et, enfin, une perte de repères quant à ce que l’on doit manger. « À l’occasion d’un stress et lors de phénomènes de désocialisation engendrés par les régimes très restrictifs, une levée d’inhibition survient, avec des phénomènes de craquage, compensation, rattrapage, perte de l’estime de soi et dépression consécutive. Le cercle vicieux des régimes s’installe, avec de nouvelles tentatives moins efficaces (du fait de modifications métaboliques) pour perdre du poids », note le Dr Lecerf.
D’après les experts, le risque principal des régimes amaigrissant reste toutefois, la reprise de poids, voire l’obésité chez les personnes ayant un terrain psychogénétique prédisposé. « Ceci doit nous conduire à reconsidérer notre approche globale et personnalisée de la prise en charge du patient. Les médecins nutritionnistes et diététiciens doivent prendre en considération le fait que leur pratique peut générer des effets secondaires. Ils doivent aussi apprendre à leurs patients que la perte de poids ne doit être que la conséquence d’un véritable objectif : celui de s’occuper de son alimentation en révisant, en douceur, son mode de vie et ses habitudes de consommation, via une véritable rééducation alimentaire. Cette approche psychocomportementale au long cours comprend un réapprentissage de l’écoute des sensations alimentaires et de la gestion des émotions », confie le Dr Lecerf.
(1) Évaluation des risques liés aux pratiques alimentaires d’amaigrissement. ANSES Edit, Paris, novembre 2010, 158 p. Le travail de l’ANSES a consisté en une analyse de la composition de l’ensemble des menus proposés dans les régimes les plus pratiqués en France. Mais aussi, en une revue large de la littérature sur les effets métaboliques, cliniques et psychologiques de la pratique des régimes amaigrissants.
(2) Preis SR, Stampfer MJ, Spiegelman D, illett WC & Rimm EB. Dietary protein and risk of ischemic heart disease in middle-aged men. Am.J. Clin. Nutr. 2010;92:1265-72.
(3) Sjögren P et al. Mediterranean and carbohydrate-restricted diets and mortality among elderly men: a cohort study in Sweden. AM.J. Clin. Nutr. 2010;92:967-74.
exergue 1
perdre 1 kg de graisse fait perdre 260 g de muscle
exergue 2
« Les médecins nutritionnistes et diététiciens doivent prendre en considération le fait que leur pratique peut générer des effets secondaires. »
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