« Réduisez votre consommation de sel ! » ce vieux conseil médical n’a pas perdu de son actualité, bien au contraire. Non seulement l’excès d’apport sodé est un facteur de risque important d’hypertension notamment, mais en plus, une réduction, même mineure, de cet apport représente une approche coût efficace des maladies cardio-vasculaires. Une étude américaine (1) a montré qu’une réduction de 3 g par jour permettrait de réaliser une économie de 10 à 24 milliards de dollars par an sur les dépenses de santé, ce en réduisant les maladies coronaires, les AVC et les infarctus du myocarde. « Une réduction de seulement 1 g/j sur dix ans serait déjà plus coût efficace que d’utiliser des médicaments pour faire diminuer la pression artérielle chez tous les hypertendus », précisent les auteurs.
Si certains industriels français se sont engagés, en signant au cours du PNNS-2 une charte visant à réduire la présence de sel dans les plats cuisinés et dans les aliments tels le pain, la consommation journalière est toujours de 8,5 g (contre 10 g en 2000) et n’atteint pas l’objectif de 5 g de l’OMS.
Enjeu industriel.
D’après le CASH (Call for Action on Salt and Health), une initiative britannique, 80 % du sodium ingéré provient d’aliments industriels (dit aussi « sel caché »), les 20 % restants étant du sel de table. Diverses raisons poussent les industriels à saler : des raisons techniques (multiplication bactérienne fromagère par exemple), de conservation, mais aussi… de goût : « depuis la généralisation de la chaîne du froid, le sel ne sert quasiment plus à conserver les aliments, mais on lui a découvert d’autres vertus. Grâce à sa faculté de rétention d’eau, le chlorure de sodium augmente artificiellement le poids d’un certain nombre de produits, et en conséquence leur prix de vente au kilo. (…) Mais l’enjeu majeur du sel pour les industriels, c’est son pouvoir assoiffant. (…) Une diminution de l’apport quotidien en chlorure de sodium de 11 à 6 grammes se traduit par une réduction de la prise de boisson de 330 millilitres par personne et par jour, presque l’équivalent d’une canette », affirme Pierre Meneton, chercheur à l’INSERM, dans son livre « Le sel : un tueur caché » (2).
Quoi qu’il en soit, diminuer la teneur en sel des aliments sans en altérer les propriétés sensorielles et technologiques est aujourd’hui un défi pour la recherche et un enjeu majeur pour le secteur de l’agroalimentaire. Les chercheurs de l’INRA (Versailles-Grignon UMR Génie et microbiologie des procédés alimentaires) ont fait une avancée importante pour comprendre l’origine de la perception du goût salé en bouche.
Des méthodes sensorielles et instrumentales ont d’abord permis de mettre en évidence l’influence de la composition, de la structure et de la texture des produits sur le transfert du sel dans la salive et la perception salée. Cette expérience a été réalisée par des personnes entraînées à la dégustation sur produits laitiers gélifiés.
Surface d’échange.
Grâce à un modèle mathématique, les chercheurs ont alors montré que c’est l’aire de contact entre l’aliment et la salive (surface d’échange) qui influe sur ce transfert et donc sur le goût salé. Cette surface évolue sous l’action de deux facteurs : l’aptitude du produit à se fragmenter (friabilité) et l’efficacité masticatoire du dégustateur. Un produit peu friable sera perçu comme moins salé.
Un travail qui montre donc que la perception du sel est un événement multifactoriel, résultat d’interactions physico-chimiques entre les ingrédients du produit, ses propriétés de structure et de texture, des processus physiologiques et enfin de possibles interactions sensorielles. Les chercheurs ont mis au point un modèle mécanistique en ce sens, qu’ils continuent à étoffer en prenant en compte les arômes du produit.
Ils poursuivent également leurs travaux sur un modèle du pain, aliment dont la réduction de la teneur en sel faisait également partie des objectifs du PNNS2. L’objectif de ces travaux est aussi de proposer aux consommateurs de nouveaux produits moins salés mais qui garderaient leur goût salé, avec éventuellement une adaptation en fonction de l’âge du consommateur, la mastication étant différente chez les nourrissons, les adultes et les personnes âgées.
(1) Bibbins-Domingo et al. Projected Effect of Dietary Salt Reductions on Future Cardiovascular Disease. NEJM 2010;362:590-9.
(2) Pierre Meneton. Le sel, un tueur caché. Éditions Favre2009.
Légende Photo :
Après application d’une même force de compression (simulant la mastication), on note que le fromage avec matière grasse (à gauche) est plus fragmenté que celui qui n’en comporte pas (à droite).
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