Le QUOTIDIEN DU MÉDECIN : Pouvez-vous rappeler les ambitions du projet Métacardis ?
Pr KARINE CLÉMENT : Métacardis est un projet européen qui étudie l’impact des changements de la flore intestinale sur l’apparition et la progression des maladies cardio-métaboliques et liées à la nutrition. Les maladies du cœur et du métabolisme ont en commun une inflammation de bas grade et des interactions avec la flore ne sont pas exclues. Ces interactions vont être examinées à la loupe car de plus en plus, on tente d’identifier les voies biologiques partagées dans ces maladies fortement associées mais très hétérogènes. C’est vraiment un enjeu médical futur. Ce projet rassemble donc de nombreuses spécialités médicales et en recherche et les décloisonne. Nous tentons de répondre à de nombreuses questions : est-ce qu’il existe une signature spécifique de la flore intestinale quand on a une dyslipidémie, un syndrome métabolique, une maladie coronaire, et même une insuffisance cardiaque ? Le surpoids et l’obésité changent-ils ces signatures ?
Ainsi notre objectif est de savoir si disposer du profil de la flore intestinale pourra aider à redéfinir plus précisément certains groupes de patients. Un autre enjeu est aussi de savoir comment notre « équipement microbien intestinal » est modifié mais aussi module la réponse aux traitements ? On sait déjà par exemple qu’il pourrait faire varier la réponse individuelle à la digoxine. C’est sans doute aussi vrai pour bien d’autres médicaments : les statines, les antidiabétiques oraux comme la metformine.
Comment trouver des bases communes à des profils que l’on dit aussi spécifiques d’un individu que l’ADN ?
Les profils de flore intestinale sont assez uniques et acquis dès le plus jeune âge, vers deux ou trois ans. Cependant avec les techniques modernes de séquençage mises en œuvre dans Métacardis grâce à l’expertise des collègues de l’Inra, on peut affiner la connaissance.
On s’aperçoit qu’il existe aussi des similarités entre les sujets. Ainsi chez les personnes en surpoids ou obèses, on a identifié que 30 à 40 % d’entre eux ont une flore appauvrie et présentent plus de risques cardio-métaboliques.
Combien recrutez-vous de patients ?
Deux mille, 1 000 à l’ICAN (Institut de Cardiométabolisme & Nutrition, hôpital de la Pitié Salpêtrière à Paris) et 1 000 en Allemagne et au Danemark. Les patients bénéficient d’un bilan complet, médical, cardiaque, métabolique, hépatique, en une journée. Le patient recueille ses selles à domicile et nous venons les collecter. La prise d’antibiotiques ou de traitements à visée intestinale doit être signalée. En France, nous sommes à 40 % de notre recrutement (voir encadré).
Quel est le coût d’un tel projet ?
Le budget total est de 20 millions d’euros dont 12 millions viennent de la communauté Européenne. C’est l’un des derniers projets européens du 7e programme cadre.
À ce stade avez-vous des résultats ?
Outre les travaux publiés l’année dernière sur la découverte d’une flore appauvrie chez des personnes obèses ou en surpoids, des progrès ont été réalisés par les équipes bio-informatiques pour combiner les informations qui viennent aussi bien de notre environnement (notre alimentation, notre activité physique), de la flore intestinale, des variables cliniques et biologiques mesurées. Ce sont des milliers d’informations et il y a des enjeux méthodologiques importants pour les combiner et ainsi pour mieux comprendre les dialogues entre la flore et notre biologie. Cela progresse bien dans le projet Métacardis. Nous mettons beaucoup d’espoir sur ces techniques modernes pour trouver des signatures chez les patients et ainsi aider à décrire des groupes de personnes de façon plus homogènes et, donc les prendre en charge de façon plus individuelle.
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