Les fibres alimentaires résistantes à l’hydrolyse subissent au niveau intestinal une fermentation, essentiellement sous l’action des bactéries du microbiote intestinal qui les transforment en monosaccharides et en gaz (de type méthane et gaz carbonique, notamment) et produisent des acides gras à chaîne courte (AGCC) qui sont principalement le butyrate, l’acétate et le propionate.
Ces AGCC, produits surtout au niveau du côlon, mais aussi de l’intestin grêle, sont impliqués dans notre métabolisme énergétique. Ce rôle ne peut être évalué qu’en lien avec le microbiote intestinal, riche de milliards de bactéries de différents genres et phyla dont les deux dominants – Firmicutes et Bacteroidetes – incluent les principales bactéries productrices de butyrate*. Ce dernier constitue la principale source énergétique des cellules de l’épithélium intestinal, les colonocytes, et il va donc contribuer à maintenir un fonctionnement optimal de l’épithélium intestinal, notamment au niveau de sa perméabilité.
Des travaux expérimentaux (1) ont permis de souligner le rôle clé d’une bactérie présente au niveau de la muqueuse intestinale, Akkermansia muciniphila, qui produit des AGCC (acétate et butyrate) et agit par ce biais de façon localisée sur la perméabilité de la barrière intestinale. Le déficit en cette bactérie, observé chez des souris obèses et diabétiques, entraîne une réduction de la production des AGCC, ce qui induit une augmentation de la perméabilité intestinale et de la sécrétion de molécules pro-inflammatoires qui vont transloquer et rejoindre notamment la veine porte. In fine, le déficit en A. muciniphila se traduit par une inflammation de bas grade et une résistance à l’insuline. Il y a donc un lien direct entre l’absence d’une bactérie du microbiote intestinal et un effet physiologique sur l’insulinorésistance et la synthèse des lipides. Ces résultats ont été rapportés dans des essais sur des modèles murins et n’ont, pour l’instant, pas été évalués chez l’homme.
Au niveau intestinal, les AGCC jouent également un rôle dans le contrôle du stockage des graisses et le métabolisme des acides gras. Ils peuvent en effet activer la bêta-oxydation des acides gras et inhiber leur synthèse de novo.
De nombreuses études chez l’animal, mais aussi chez l’homme, ont également démontré le rôle du déséquilibre du microbiote intestinal, qui se traduit par une diminution de la production de butyrate, dans le développement du syndrome métabolique, du diabète de type 2 et de l’obésité. Sur un modèle de rongeur, une association a été établie entre un taux élevé d’AGCC et le phénotype « mince ». Chez l’homme, les résultats des études restent à confirmer.
Les prébiotiques (fibres alimentaires), sources de production des AGCC par les bactéries du microbiote, ont fait la preuve de leurs effets bénéfiques pour augmenter la dépense énergétique, mais ils ne peuvent être consommés en grande quantité en raison de leurs effets indésirables à type de ballonnements et d’inconfort intestinal. Pour accroître la production d’AGCC, il semble préférable de viser à rétablir le microbiote en administrant des probiotiques qui peuvent être associées à des quantités minimales suffisantes de prébiotiques. Dans ce cas, on peut parler de concept de symbiotiques dont la tendance est aujourd’hui plutôt à la hausse.
Au-delà du tractus intestinal
Les travaux expérimentaux ont montré que, au-delà de leurs effets au niveau du tractus intestinal, les AGCC agissent comme des molécules signal dans les voies de synthèse et de régulation du cholestérol, des acides gras et du glucose et que le déficit en AGCC aboutit, après toute une cascade physiopathologique à une insulinorésistance et une obésité. D’autres effets bénéfiques des AGCC ont été révélés comme le fait que le butyrate pourrait prévenir le cancer colorectal et, dans un contexte tumoral, limiter la prolifération cellulaire.
Toujours chez la souris, le butyrate est aussi capable de stimuler la production de leptine, une hormone à effet anorexigène, par les adipocytes, ce qui ouvre une nouvelle voie de recherche.
Les AGCC sont par ailleurs de plus en plus utilisés comme marqueur de bonne santé intestinale, en particulier comme marqueur dans le cadre de transfert de matières fécales.
Dr Isabelle Hoppenot
D’après un entretien avec Philippe Langella, directeur de recherche à l’Institut Micalis de l’INRA (Jouy-en-Josas)
* Les probiotiques commercialisés de types lactobacilles et bifidobactéries appartiennent respectivement au phyla des Firmicutes et des Actinobactéries.
(1) Everard A et al. Cross-talk between Akkermansia muciniphila and intestinal epithelium controls diet-induced obesity. Proc Natl Acad Sci USA 2013 ; 110 : 9066-71.
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